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Mineurs isolés - Les riverains de la Goutte d'Or au point de non-retour

Par Augustin Moriaux

En Île-de-France, ils sont des centaines de mineurs isolés, pour la plupart venus du Maroc, à vivre de cambriolages et de vols à l'arraché. Le cas de l'agresseur au hachoir qui visait Charlie Hebdo relance le débat sur le statut de mineur isolé qui offre une protection légale non négligeable à des migrants qui fraudent sur leur âge dans de nombreuses situations. Certains perturbent la vie de quartier en multipliant les délits, la Goutte d'Or en est témoin.

Le paradoxe atteint des sommets lorsque les jeunes rôdent et consomment du cannabis devant le commissariat du 18ème arrondissement de Paris (Photo d'Alain Jocard / AFP)

Un reportage de Clément Bargain, étayé par Augustin Moriaux

 

Des jeunes, débarqués en 2016 des faubourgs de Tanger ou Casablanca, sapés de survêtements de marque, pochettes Louis Vuitton en bandoulière et coupes iroquoises provocantes, détonent dans le paysage. Ce ne sont pas toujours les mêmes, certains partent tandis que d'autres arrivent dans la foulée, mais le problème reste prégnant. Et cette année, le nombre de jeunes migrants délinquants interpellés pour des cambriolages et vols est en forte hausse. Depuis début 2020, on dénombre 6 309 interpellations, soit 300 de plus qu'en 2019 sur la même période. Une nouvelle augmentation de 42%, qui atteint même 51% à Paris. Comble de l'irrésoluble, ces mineurs étrangers, bien souvent utilisés par des réseaux obscurs, échappent aux poursuites judiciaires du fait de leur statut ultra-protégé. Dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris où environ 15 % des mineurs isolés de la capitale fréquentent à eux seuls quelques rues du 18ème arrondissement, les habitants et commerçants sont désespérés.

"C'est tous les jours. Tous les jours, on voit des nouvelles têtes, ça vient, ça repart. Ils s'attaquent à tout le monde parce qu'ils sont drogués. Ils n'ont plus de cerveau, leur cerveau en est déconnecté. Ils font leurs aller-retour, dès qu'ils ont chopé quelque chose, ils se donnent rendez-vous et se partagent le butin. Et quand ils ne se le partagent pas, ils se mettent des coups de couteau, s'entretuent", déplore le serveur d'un bar du quartier.

La voix d'un autre riverain, témoin quotidien d'actions crapuleuses, corrobore cette peur :"Ils se mettent au bout du pont, ils surveillent, cherchent une proie. Quand ils ont trouvé, ils attaquent. Et même une petite vieille, ils l'agressent pour lui piquer son collier. On l'a vu de nombreuses fois ça. Puis c'est des mineurs qui dorment dehors, ou alors ouvrent les voitures pour dormir dedans."

Malgré une présence policière renforcée dans le quartier - la plus importante de tout Paris -, les lois existantes empêchent l'incarcération, et parfois même le procès, dans la majorité des cas. Le serveur du bar en est un spectateur privilégié - si le mot convient. "Je ne vais pas vous mentir, même la police est impuissante. Parce que quand les policiers en attrapent, ils ont souvent plusieurs identités et sont relâchés."

 

Les chiffres de la délinquance dans le 18ème arrondissement : une hausse de 25% des cambriolages en 2019 par rapport à l'année précédente, augmentations également de 8 % d'atteintes à l'intégrité physique, et de 33 % des violences sexuelles entre 2018 et 2019. Le chiffre le plus marquant en 2018 reste celui-ci : + 250 % de vols à main armée. (source : Préfecture de Paris).

 

Des jeunes livrés à eux-mêmes qui finissent pilotés par des nébuleuses

Le coeur du problème actuel vient des réseaux mafieux et de drogue qui exploitent ces mineurs étrangers. Le "deal" est simple et vicié : les mineurs isolés s'attelent à vendre de la drogue et à voler en échange de crack et autres substances, comme le montrait une enquête du Parisien. Gérald Darmanin s'est saisi du sujet ce mardi à l'Assemblée en demandant la mise en place d'une coordination ministérielle, en plus de se rendre prochainement au Maroc pour trouver un compromis avec le roi Mohammed VI.

Une avocate, Catherine Delanoë-Daoud du barreau de Paris et co-responsable du pôle "Mineurs isolés étrangers" dénonce le manque de structures pour accompagner et prendre en charge ces jeunes.

"Ce qui est regrettable, c'est qu'il n'y a rien en place en termes de foyers protecteurs distants de Paris. En Belgique, ils ont un foyer (Esperanto) dont le lieu est gardé secret pour éviter que des adultes malveillants attirent les jeunes dans leurs réseaux. En France, on attend depuis des années des structures qui puissent mettre ces enfants à l'abri."

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