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Le regard libre d'Élisabeth Lévy - Que retenir de l'hommage aux militaires morts pour la France au Mali ?

Hier, aux Invalides à Paris, avait lieu la cérémonie d'hommage aux militaires morts au Mali. Une cérémonie poignante qui ressasse tant de valeurs et de souvenirs qu'on pensait évaporés. Pour Élisabeth Lévy, c'est le moment adéquat pour se poser les bonnes questions quant à l'armée et ce qu'elle défende plus profond.

Le regard libre d'Élisabeth Lévy

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Vous connaissez la formule du grand historien Marc Bloch, fusillé par les Allemands en 40 : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. » Quiconque n’a pas eu le cœur serré en voyant défiler les cercueils contenant les corps de nos treize soldats au rythme de la marche funèbre ne comprend plus grand-chose à la France. 

Macron a déclaré qu'ils sont morts pour que nous soyons un peuple libre. Pour que nous soyons un peuple tout court. Dans un pays formé par l’agrégation de provinces hétérogènes, l'armée a été l’un des lieux de formation de l’identité nationale. 

 

Oui, mais c’est le passé. Plus de service militaire. 

Oui mais il y a encore les "guerres lointaines". Pour les individus soucieux de leurs droits et de leur retraite que nous sommes, ces rituels peuvent paraître surannés. Seuement, n'oublions pas qu'ils témoignent de la persistance de quelque chose de plus grand que chacun de nous, pour laquelle on peut mourir. Dans la plupart des pays, on dit « tué au combat ». Chez nous, on dit « Mort pour la France », une mention ajoutée à l’état-civil depuis une loi de juillet 1915. Et c’est bien ainsi que des millions de gens venus d’ailleurs sont devenus français : "non par le sang reçu mais par le sang versé", comme on dit dans la Légion étrangère. L’armée a été une géniale et cruelle machine à fabriquer des Français (cf. Napoléon et les juifs). 

 

En attendant, une fois nos soldats sont enterrés, nous revenons à nos querelles. 

Et c’est parfaitement légitime. Ce que protègent nos soldats, c’est précisément la possibilité de nous quereller pacifiquement. Nous sommes tous français mais ça ne signifie pas que nous devons avoir le même point de vue sur les retraites ou sur les JO à Paris. La politique, c’est un espace de désaccord civilisé, un théâtre sur lequel nous mettons en scènes nos conflits. Du moins, ça devrait l’être. Or, cet espace se rétrécit au point que de bons esprits, comme Jean-Pierre Chevènement ou Jacques Julliard évoquent les risques de guerre civile. Dans le Figaro hier, l’historien de gauche s’inquiète de voir dépérir l’art français de la conversation. Dans la rue, on peut cogner pour un regard de travers et dans le débat, demander l’exclusion, c'est-à-dire la mort symbolique de celui avec qui on n’est pas d’accord. Or, dit Julliard, la guerre civile c’est une conversation qui tourne mal.

L’image de cercueils recouverts de drapeaux tricolores devrait nous rappeler que nos adversaires ne sont pas nos ennemis.

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