En plein scandale Bétharram, le dossier Stanislas resurgit pour l'Education nationale, accusée d'avoir minimisé homophobie et autres dérives constatées dans cet établissement élitiste par une mission d'inspection, ce dont la rue de Grenelle se défend.
Une ex-lycéenne qui dénonçait une discrimination dans son exclusion en juin 2022 de l'établissement privé du VIe arrondissement de Paris, a déposé plainte vendredi pour faux visant les conclusions possiblement "édulcorées" du rapport d'inspection, a appris l'AFP lundi.
Pauline (prénom modifié), scolarisée entre 2013 et 2022 à Stanislas, avait déposé une première plainte en juillet dernier, accusant trois anciens responsables de Stanislas dont son ancien directeur de l'avoir exclue pour avoir manifesté son opposition à de "nombreux propos homophobes, sexistes et racistes du personnel dirigeant de l'établissement".
A l'origine de sa nouvelle plainte: des révélations sur un rapport de l'Inspection générale de l'Education (IGESR) de juillet 2023 sur Stanislas, qui avait été dévoilé par Mediapart en janvier 2024, en pleine polémique sur la scolarisation des enfants de l'ex-ministre de l'Education Amélie Oudéa-Castéra dans cet établissement privé catholique.
Ce rapport dévoilait des "dérives" dans cet établissement. Il relevait notamment des "comportements qui entretiennent les stéréotypes de sexe", et une "place des garçons et une culture de la non-mixité qui peuvent favoriser un climat propice à l'homophobie". Il rapportait aussi l'histoire de Pauline, exclue après un conflit avec un préfet (responsable de niveau) qui lui aurait notamment demandé de "ne plus porter un pull LGBT" (multicolore).
Ce rapport est revenu au coeur de l'actualité la semaine dernière. La commission d'enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires a annoncé qu'elle allait auditionner les inspecteurs responsables de l'enquête, après la réception d'un courrier de l'un d'entre eux.
Cette inspectrice apporterait des éléments "qui prouvent que le rapport a été plutôt édulcoré par rapport aux témoignages recueillis", notamment concernant l'homophobie et le racisme, a indiqué la présidente de la commission, la députée Fatiha Keloua Hachi.
- "valeur juridique" du courrier -
La commission d'enquête a reçu vendredi un nouveau courrier comparable d'une deuxième inspectrice, a-t-elle indiqué dimanche à l'AFP, confirmant une information du Monde.
Selon Le Monde, les deux inspectrices assurent qu'une phrase qui ne leur a pas été montrée a été ajoutée au courrier de mission conclusif résumant le rapport, qui contribue à "dédouaner" Stanislas: "Au terme de la mission, l'équipe ne confirme pas les faits d'homophobie, de sexisme, et d'autoritarisme".
Ce "courrier de transmission" accompagnant le rapport est au coeur des spéculations sur une édulcoration volontaire par des hauts fonctionnaires de l'Education nationale des faits constatés à Stanislas.
Selon la plainte de Pauline, ces "conclusions modifiées" du rapport ont "remis en cause sa parole" et ont "a minima ralenti la manifestation de la vérité" sur les faits dénoncés dans sa plainte.
De son côté, l'inspection générale a assuré lundi à l'AFP n'avoir fait "aucune modification" du rapport "après sa validation collégiale", pour en retirer ou atténuer des accusations d'homophobie, racisme ou sexisme.
Concernant le "courrier de transmission", l'inspection indique qu'il a été "rédigé sous la responsabilité du chef de service et a pour unique objet de présenter une synthèse des conclusions du rapport", mais n'a aucune "valeur juridique".
Pour l'avocat de Pauline, Me Vincent Brengarth, cette défense n'est "pas pertinente", car ce courrier peut toujours avoir une "valeur probatoire".
"Est ce qu'il y a eu une altération ou a minima une +édulcoration+ des conclusions du rapport, telles que voulues par les inspecteurs, dans un but politique de protéger cet établissement?", ajoute-t-il. "Si tel était le cas, en plus de potentiellement constituer un faux en écriture publique, cela serait aussi une atteinte au principe d'indépendance des inspecteurs".
Lors de son audition fin mars par la commission parlementaire, l'ex-cheffe de l'IGESR Caroline Pascal, auteure du "courrier de transmission", et aujourd'hui Directrice générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), soit N°2 du ministère, avait affirmé que les inspecteurs généraux avaient "entendu une centaine de témoins" lors de cette enquête et qu'ils "n'avaient pas repéré d'homophobie systémique".
Par Guillaume DAUDIN, Sophie LAUBIE / Paris (AFP) / © 2025 AFP