La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a dit jeudi sa confiance dans l'action politique pour résoudre la crise en France qui rend méfiants les investisseurs, tout en appelant la zone euro à se muscler face aux tensions géopolitiques.
"Je suis convaincue que les décideurs tiendront compte de cette période d'incertitude et feront tout leur possible pour la réduire", a déclaré Mme Lagarde devant la presse, interrogée sur la situation politique et budgétaire en France au sortir d'une réunion monétaire ayant prolongé la pause sur les taux d'intérêts.
"Nous ne limitons pas notre jugement à un pays en particulier", a cependant prévenu l'ancienne ministre française des Finances (2007-2011).
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu doit encore s'atteler à la lourde tâche de constituer un gouvernement pour sortir le pays de l'impasse politique, puis faire voter un budget avant la fin de l'année.
Pendant ce temps, la France doit gérer une dette de 3.300 milliards d'euros, soit plus de 115 % du PIB, qui ne cesse de se creuser avec des déficits publics dépassant la limite de 3 % fixée par les traités européens.
Les investisseurs réclament déjà une prime de risque plus élevée et la note du pays reste sous menace de dégradation par l'agence Fitch.
Concernant l'instrument de la BCE destiné à stabiliser les marchés obligataires en cas de turbulence, Mme Lagarde a rappelé que cet outil "fonctionne selon des critères précis" mais qu'il n'a "pas été discuté" jeudi.
L'ancienne directrice du FMI s'est plus généralement dite confiante sur le fait que "les gouvernements, où qu'ils se trouvent, voudront agir en conformité" avec le cadre européen concernant la gestion des finances publiques.
Cette confiance s'accompagne d'un appel clair à l'action face aux défis externes qui pèsent sur la zone euro.
Le conseil des gouverneurs de la BCE juge "crucial de renforcer d'urgence la zone euro et son économie dans l'environnement géopolitique actuel", un an après le rapport de Mario Draghi, ancien président de la BCE, appelant l'Europe à se réveiller.
L'environnement actuel est marqué par la guerre russe en Ukraine, le conflit au Moyen-Orient et les tensions commerciales certes légèrement apaisées mais toujours sources d'incertitude pour les échanges mondiaux.
Ce climat instable influence directement la croissance, l'inflation et donc les décisions de la BCE.
- En "bonne position" -
L'institut monétaire a décidé jeudi de laisser son principal taux sur les dépôts inchangé à 2%, comme en juin, quand il avait mis fin à une longue série de hausses pour contenir la flambée des prix post-Covid et liée à la guerre en Ukraine.
Avec une inflation naviguant désormais autour de l'objectif à moyen terme de 2 %, le processus de "désinflation" est "terminé" dans la zone euro et la BCE "continue d'être en bonne position" face aux risques, a souligné Mme Lagarde.
La BCE a basé sa décision sur de nouvelles projections économiques, peu différentes des précédentes : l'inflation devrait s'établir à 2,1% en 2025, contre la cible de 2% encore espérée en juin, avant de descendre à 1,7% en 2026, contre 1,6% auparavant.
La croissance devrait atteindre 1,2% cette année, 0,3 point de pourcentage de mieux qu'en juin grâce à une première partie d'année meilleure que prévu, mais redescendre à 1,0% en 2026.
Ces prévisions reflètent en partie la morosité économique en Allemagne, où les dernières données ont douché les attentes de reprise rapide.
Elles tiennent aussi compte de l'accord conclu début août avec les Etats-Unis, fixant des droits de douane de 15% sur la plupart des produits européens, un peu supérieurs au scénario de base imaginé par la BCE en juin.
Dans l'ensemble, il faudrait que les données futures "évoluent de manière significative pour qu'une nouvelle baisse des taux soit envisagée", a résumé Jens-Oliver Niklasch, chez LBBW.
Par Jean-Philippe LACOUR / Francfort (Allemagne) (AFP) / © 2025 AFP