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L'improbable arrêt cardiaque de Tedy, 4 ans, au procès Péchier

C'est la plus jeune des 30 victimes attribuées par l'accusation à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier: le cas de Tedy, 4 ans, qui a subi un arrêt cardiaque en 2016 lors d'une banale opération des amygdales est examiné jeudi par la cour d'assises du Doubs.

SEBASTIEN BOZON - AFP/Archives

Après deux jours de coma et cinq jours en réanimation, l'enfant a survécu. Aujourd'hui âgé de 14 ans, il assiste aux débats.

Le 22 février 2016, son opération des amygdales, prévue à la clinique Saint-Vincent de Besançon, n'a jamais pu avoir lieu: entré au bloc à 13h30, il a été victime d'un arrêt cardiaque "dans les 10 minutes", a détaillé devant la cour Olivier Verguet, le directeur d'enquête.

"Un arrêt cardiaque chez un enfant", c'est d'une "rareté absolue", a souligné le policier, observant que Tedy, "sans antécédents particuliers", avait "déjà été opéré un an plus tôt pour les végétations et tout s'était passé le plus naturellement du monde". "Ce qui lui est arrivé, c'était improbable", a renchéri l'avocate générale Christine de Curraize.

L'arrêt cardiaque est déclaré à 13h40, le Dr Péchier arrive à 13h41 pour aider à sa réanimation. La situation est alors "très très catastrophique" et lorsque le Samu arrive, l'enfant est en arrêt cardio-respiratoire, décrit M. Verguet.

Transféré au CHU, le petit garçon "va s'en sortir, fort heureusement" mais cette situation a "véritablement choqué la communauté médicale" et laissé les médecins dans "l'incompréhension", rapporte l'enquêteur.

- "Il attend la vérité" -

"Des interventions d'enfants, j'en ai pratiqué plusieurs milliers, c'est le seul cas que j'ai eu", a comparé le médecin ORL qui devait opérer Tedy, Thierry Loriod. Il a décrit un enfant "extrêmement calme", sans "stress particulier".

Des experts ont évoqué des hypothèses d'intoxication à la lidocaïne et au potassium.

En garde à vue, Frédéric Péchier avait contesté toute implication et attribué la réaction du garçonnet à l'utilisation de patchs anesthésiants.

Près de dix ans plus tard, Tedy "attend la vérité", a déclaré à l'AFP l'avocat de sa famille, Archibald Celeyron. A 14 ans, le collégien, "assez réservé", présente des "séquelles physiques, qui le restreignent dans sa pratique sportive" et des "séquelles cognitives", dont des "lenteurs d'apprentissages".

Une quinzaine de ses proches sont présents jeudi.

"On a très bien compris. Pour nous, c'est lui", a déclaré à l'AFP le père de Tedy à propos de Frédéric Péchier.

L'examen du cas Tedy "va peut-être susciter quelques tensions", a mis en garde en début de journée la présidente de la cour, Delphine Thibierge, appelant à ce que l'audience "se déroule dans le calme".

- "Terrain de jeu" -

Un autre cas, également survenu en 2016 dans le même établissement, a été évoqué: celui de Laurence Nicod, 49 ans, décédée en avril après un arrêt cardiaque survenu en salle de réveil, à la suite d'une opération de l'épaule.

L'autopsie avait révélé une intoxication à la mépivacaïne et au tramadol.

Selon les enquêteurs, Frédéric Péchier pourrait avoir voulu viser Catherine Nambot, qui était opérée le même matin que Laurence Nicod et aurait pu recevoir les produits incriminés. Mme Nambot était la compagne d'un anesthésiste, Sylvain Serri, avec lequel il était en conflit.

Les docteurs Péchier et Serri ne se parlaient plus après un différend, quelques semaines auparavant, lors d'un dîner.

A la suite de ce conflit, Frédéric Péchier, très contrarié, avait dit à Sylvain Serri qu'il ne prendrait plus aucune responsabilité au sein de la clinique et lui avait reproché d'avoir "cassé son jouet".

"On s'est posé la question de savoir si le lieu de travail de M. Péchier n'était pas un terrain de jeu pour lui", a avancé le directeur d'enquête à propos de cette curieuse expression.

Pour l'avocat de la défense, Randall Schwerdorffer, le différend entre les deux anesthésistes était "anodin" et faire le lien entre cette dispute et des empoisonnements est "aberrant", a-t-il dit à la presse.

Au total, Frédéric Péchier, 53 ans, est jugé pour 30 empoisonnements dont 12 mortels.

L'ex-anesthésiste, qui a toujours clamé son innocence, comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Le verdict est attendu le 19 décembre.

Par Pauline FROISSART / Besançon (France) (AFP) / © 2025 AFP

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