"Elle a dit: +madame, s'il vous plaît, ne me faites pas de mal+. Je lui ai dit: +non, t'inquiète pas, je te ferai pas de mal+". L'interrogatoire de l'accusée du meurtre de Lola, mercredi devant la cour d'assises, n'a pas permis d'apporter de réponse plausible à une somme de questions.
Il faut tout le tact, la précision des questions, la pertinence des silences laissés et, surtout, la patience du président de la cour d'assises de Paris, Julien Quéré, pour obtenir quelques bribes de récit de Dahbia Benkired.
Mais lorsque celle qui est accusée des actes de torture, viol et meurtre de Lola, 12 ans, raconte les 90 minutes criminelles de l'après-midi du 14 octobre 2022, la salle d'audience est partagée entre consternation et indignation.
"T'inquiète pas, je te ferai pas de mal", lui aurait-elle donc lancé dans le hall de la résidence du XIXe arrondissement de Paris où elle vivait chez sa sœur - Lola était la fille des gardiens.
Dahbia Benkired, au mépris de la vidéosurveillance, des témoins, de l'enquête, s'enferre dans des mensonges, tantôt futiles - elle persévère à dire qu'elle a abordé la fillette dans la cour, c'était à l'évidence devant le portillon -, tantôt invraisemblables.
Elle aurait, selon son interrogatoire, convaincu Lola de l'attendre dans le hall pour l'aider à transporter des valises qu'elle allait rechercher dans l'appartement du 6e étage.

Delphine Daviet, la mère de Lola, arrive au procès de Dahbia Benkired, accusée du meurtre de sa fille, devant la cour d'assises à Paris, le 17 octobre 2025
JULIEN DE ROSA - AFP
Puis, cinq minutes plus tard, l'avoir finalement fait monter dans l'ascenseur pour l'emmener à l'appartement, toujours sans résistance. De lui avoir demandé de se déshabiller, prendre une douche, se laisser toucher la poitrine, faire un cunnilingus à sa ravisseuse. "Pour moi, vu qu'elle a pas dit non, c'est oui."
Près de quarante plaies de lames relevées par les légistes? Elle ne reconnaît qu'un seul coup, "claqué la tête contre le mur, mais très doucement".
Vient l'adhésif, posé tout autour des pieds et de la tête, notamment du nez et de la bouche, qui a provoqué l'asphyxie létale. "C'est pas que je voulais la tuer, c'est que je voulais faire du mal à quelqu'un. Et puis comme je l'ai violée, je me suis dit autant la tuer."
Quant aux "1" et "0" écrits sous chaque plante des pieds au vernis, c'est parce qu'elle a vu sa victime "comme un mouton qu'on égorge en Algérie quand elle a tremblé", en fait convulsé pendant son agonie. Alors elle l'a marquée comme les ovins.
Plus tôt, elle avait encore expliqué avoir confondu la fillette avec un "fantôme".
- "Compliqué d'essayer de comprendre" -

Dahbia Benkired, accusée du meurtre de Lola, devant la cour d'assises de Paris le 17 octobre 2025
Benoit PEYRUCQ - AFP
Reste le mobile. "Se venger" de son ex-compagnon, Mustapha M.: "Tout ce que j'ai fait, on m'a fait la même chose", croit pouvoir se dédouaner Dahbia Benkired. Lola aurait été une sorte de victime dérivative choisie "au hasard", et surtout "moins forte" que son ancien amant.
Le président Quéré soupire: "Juger, c'est aimer écouter, essayer de comprendre et vouloir décider. Essayer de comprendre, c'est compliqué avec vous".
"Ça n'est pas logique, ça n'est pas crédible, ça n'est pas plausible", abonde l'une des avocates des parties civiles, Me Karine Bourdié.
Avant l'interrogatoire de l'accusée, la cour d'assises avait écouté la famille de Lola. D'abord sa mère, Delphine Daviet, qui s'était interrogée en larmes à la barre: "Qui aurait pu imaginer que Lola (croiserait) cette chose, ce monstre?", avant de réclamer que Dahbia Benkired "soit enfermée toute sa vie".
Après le récit des oncles, tantes, cousins, qui ont tous décrit leur chagrin d'avoir perdu cette fillette "joyeuse, solaire", le grand frère de Lola, Thibault Daviet, a prévenu: "Je n'attends plus la vérité, avec tout ce qu'elle raconte... Je sais que je ne l'aurai pas".
Les trois juges professionnels et six jurés populaires doivent entendre jeudi deux experts psychiatres, dont les rapports ont conclu durant l'enquête que l'accusée n'avait pas son discernement aboli lors de son passage à l'acte - c'est-à-dire qu'elle peut être jugée, et condamnée.
Mercredi matin, un expert psychologue avait déjà estimé que Dahbia Benkired ne souffrait "pas de pathologie psychiatrique", mais que sa personnalité présente un "aspect psychopathique élevé".
Verdict vendredi.
Par Paul AUBRIAT / Paris (AFP) / © 2025 AFP