single.php

Après les obsèques de Caroline Grandjean, le monde enseignant bouleversé

Le suicide de Caroline Grandjean, directrice d'école harcelée pour son homosexualité et dont les obsèques ont eu lieu jeudi, continue de bouleverser un monde enseignant en colère contre l'Education nationale.

Céline CASTELLA - AFP

Le suicide de Caroline Grandjean, directrice d'école harcelée pour son homosexualité et dont les obsèques ont eu lieu jeudi, continue de bouleverser un monde enseignant en colère contre l'Education nationale.

Une trentaine de personnes ont assisté à une cérémonie dans le petit crématorium de Saint-Cernin, village de 1.000 habitants dans le Cantal.

Sous une pluie battante, proches et anonymes sont entrés vers midi dans le bâtiment, alors que la presse était tenue à l'écart, selon les souhaits de la famille.

"J'ai voulu être là (...) je ne comprends pas le fonctionnement de ce monde plein de méchanceté, d'ignorance et de bêtise qui conduit à des événements pareils", a déclaré Christiane, une "anonyme".

Tous sont ressortis peu avant 13H00, certains visiblement très émus. Christine Paccoud, l'épouse de cette enseignante, n'a pas voulu s'exprimer.

Elle avait déclaré mercredi sur France 2 que "la hiérarchie n'(avait) pas compris la souffrance de Caroline", qu'elle décrit comme "une enseignante passionnée".

Selon elle, les insultes ont "commencé par +sale gouine+ et un(e) qui était grave dans une école, c'était gouine=pédophile". "Je me suis battue" pour qu'elle ne retourne pas à Moussages, le village où elle enseignait, insiste-t-elle.

Le ministère de l'Education n'a pas souhaité organiser de minute de silence au niveau national, évoquant le "caractère profondément intime de ce drame", tout en respectant le souhait d'établissements ou d'enseignants qui voudraient le faire, a-t-il indiqué à l'AFP.

Christian Vert, le maire de Moussages, a exprimé jeudi à l'AFP sa "consternation", présentant ses "condoléances" à la famille, devant la petite école où résonnent les cris de quelques enfants.

Il a assuré que la mairie l'avait "soutenue" et qu'il avait déposé lui-même plusieurs plaintes.

"Aujourd'hui cette situation n'est plus soutenable, il faut que ça cesse et que la justice arrive à trouver et identifier" l'auteur des inscriptions, a-t-il ajouté.

- Les suicides, "sujet tabou" -

La section du Cantal du syndicat du premier degré FSU-Snuipp avait de son côté lancé un appel à observer une minute de silence.

Mardi, elle avait dénoncé les "attaques homophobes répétées" d'une "violence inouïe" subies par l'enseignante à partir de septembre 2023. Elle demande une enquête de santé et sécurité indépendante.

Le syndicat des directrices et directeurs d'école S2DÉ avait appelé à se recueillir également et à poser à l'entrée de l'école de chacun de ses membres un portrait dessiné de Caroline Grandjean.

Il avait été réalisé par le dessinateur et enseignant Remedium, qui avait fait une BD de l'histoire de Mme Grandjean.

"En se réduisant elle-même au silence, elle a hurlé cette réalité simple: elle a été tuée par l'Education nationale", accuse Remedium sur le réseau social X (Christophe Tardieux de son vrai nom).

Il affirme à l'AFP que sa BD sur Mme Grandjean avait fait l'objet d'une plainte en diffamation "par l'inspectrice de circonscription, sous couvert de l'Education nationale".

Mais d'après le ministère, il s'agissait d'une plainte "déposée par l'inspectrice en son nom propre à l’encontre de l'auteur de la bande dessinée".

Directeur d’une école à Nice et secrétaire général du syndicat, Thierry Pajot a observé une minute de recueillement avec les instituteurs en salle des maîtres, précédée d’un "temps de parole (...) parce que certains enseignants ne savaient toujours pas qui était Caroline".

Pour Charlotte Girardon, porte-parole du S2DÉ interrogée par l'AFP, sa mort est "un échec flagrant de l'institution". "Caroline a vraiment appelé à l'aide. Sa grande détresse, c'est qu'elle ne se sentait pas soutenue", estime-t-elle.

"Il faut une prise de conscience institutionnelle, pour que ça ne se reproduise plus", insiste-t-elle.

Le rectorat de Clermont-Ferrand assure pourtant avoir suivi "de près" la situation de l'enseignante qui avait bénéficié d'une protection fonctionnelle.

Une enquête avait été ouverte à la suite de la découverte des inscriptions homophobes mais avait été classée sans suite en mars 2025 "en l'absence de nouveaux faits", selon le parquet.

"Ce cas tragique montre des problématiques systémiques liées à la santé et la sécurité des personnels et relatif aux suicides" dans l'enseignement, affirme Aurelie Gagnier, porte-parole du FSU-Snuipp au niveau national. Pour elle, c'est "un sujet tabou".

Le ministère de l'Education a diligenté une enquête administrative sur le décès de Mme Grandjean.

cca-ved-jwi-ito/epe/gvy

Par Céline CASTELLA, Véronique DUPONT / Saint-Cernin (France) (AFP) / © 2025 AFP

L'info en continu
19H
18H
17H
16H
15H
Revenir
au direct

À Suivre
/