Le prélèvement à la source sera donc bien mis en place, dès 2019. Présenté comme une idée révolutionnaire par l'exécutif, ce mode de collecte de l’impôt sur le revenu ne cache-t-il pas en réalité un autre dessein ? Invité de Patrick Roger ce jeudi matin, Laurent Mauduit, journaliste cofondateur de Mediapart, nous amène à voir cette réforme sous un angle bien loin de celui présenté par le gouvernement.
« Il faut remonter à l’époque de la campagne présidentielle de 2012 », explique Laurent Mauduit. « À l’époque, les Socialistes voulaient faire ce qu’ils appelaient une révolution fiscale. L’idée était la suivante : actuellement, l’impôt sur le revenu est truffé d’abattements et d’exonérations qui profitent surtout aux hauts revenus, de telle sorte que l’impôt français est un impôt qui devient dégressif pour les hauts revenus. En clair, plus on est riche, plus on paie. »
Par exemple, continue d’expliquer Laurent Mauduit, « Liliane Bettencourt, l’une des plus grandes fortunes françaises, avait un taux moyen d’imposition de 20% seulement, alors qu’un cadre peut aller jusqu’à 30, 35% de taux moyen d’imposition. Donc l’idée était de rebâtir un grand impôt citoyen en fusionnant l’impôt sur le revenu et la cotisation sociale généralisée ».
En clair, « on s’adossait à la CSG pour faire un prélèvement à la source. » À l’époque, souligne Laurent Mauduit, une personne en particulier était très opposée à cet effet redistributif, il s’agissait… d’Emmanuel Macron, alors dans l’équipe de François Hollande.
« Faisons payer les pauvres, ils sont beaucoup plus nombreux »
Avec cette nouvelle réforme de l’impôt sur le revenu, Macron reprendrait donc la vieille idée du PS concernant le prélèvement à la source, ce qui n’est donc pas “la grande révolution fiscale” promise par le gouvernement. « C’est même encore plus rusé que cela, insiste Laurent Mauduit. On pourrait se dire qu’après tout, le mode de prélèvement n’importe pas beaucoup. Or non, ce n’est pas neutre. Car si l’impôt sur le revenu, qui très compliqué, est adossé à un système proche de celui de la CSG, on va mécaniquement pousser à une simplification de l’impôt. Or, la simplification de l’impôt est la remise en cause de sa progressivité. On risque donc d’assister à une contre-révolution fiscale. »
« On reviendrait à un principe fiscal absolument détestable : pourquoi faire payer les riches ? Faisons payer les pauvres, ils sont beaucoup plus nombreux », conclut Laurent Mauduit.