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Dupond-Moretti, ce ténor qui déchaîne les passions dès sa nomination

Par Augustin Moriaux

Il fallait s'y attendre ; le "coup" médiatique de la nomination du plus grand des avocats à la Chancellerie suscite des indignations. Dont celle de la France Insoumise et des magistrats. Dans le camp des convaincus, ses pairs - les avocats - qui attendent cependant énormément de lui sur la question des retraites.

L'émotion était palpable lors de la passation de pouvoir entre Nicole Belloubet et "Acquittator". Cette émotion-là est à l'image des réactions à la nomination de ce dernier : il ne laisse personne insensible. (Photo Bertrand Guay / AFP)

Augustin Moriaux, Cyprien Pézeril et Clément Bargain pour Sud Radio.

 

C'est la grande surprise de ce remaniement : Éric Dupond-Moretti a été nommé ministre de la Justice et Garde des Sceaux, en remplacement de Nicole Belloubet. Un coup de tonnerre dans un secteur secoué par des polémiques sur son manque d'indépendance. Car l'avocat, réputé pour son éloquence, ne mâche pas ses mots contre les magistrats.

Pour le premier syndicat de ces derniers, la nomination du ténor du barreau est une déclaration de guerre. Âgé de 59 ans, celui qu'on surnomme « Acquittator » pour sa capacité à décrocher des acquittements aux assises, ne mâche pas ses mots contre les magistrats. Ce qui inquiète Sarah Massoud, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, qui fait partie des sceptiques.

"Nous sommes assez interpellés par cette nomination. Ici, au Syndicat de la magistrature, nous appelons véritablement au calme et à la sérénité, ce dont l'institution a besoin. Alors que M. Dupond-Moretti a pu être extrêmement virulent à l'encontre des juges, de l'institution. Nous espérons que cette virulence, ce verbe haut, ne seront pas de mise pour qu'on puisse construire des choses ensemble. Nous attendons de voir ce qu'il en sera."

 

La réforme des retraites, décriée par les avocats, comme premier chantier

Dupond-Moretti va devoir répondre à la gronde de ses pairs : les avocats. Ceux-ci s'étaient fermement opposés à la réforme des retraites, ce que Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris, tient à rappeler.

"On a eu une grève extrêmement dure : plus de neuf semaines, avec une unité de tous les barreaux. Il est certain que si l'on doit remettre en jeu le chantier des retraites et la remise en cause de l'indépendance de nos caisses de retraites, les avocats seront de nouveau dans la rue. J'espère que le ministre de la Justice fera tout pour l'éviter et permettra que nos justes récriminations se concrétisent. Que les avocats ne soient pas les laissés-pour-compte d'une justice déjà très très sinistrée.

 

La France Insoumise regrette la nomination de "quelqu'un qui leur a presque déclaré la guerre"

À l'automne dernier, dans l'affaire des perquisitions de la France Insoumise, il a défendu les policiers contre Jean-Luc Mélenchon. En bref, cette nomination est vécue comme un camouflet pour la parti d'extrême-gauche. Éric Coquerel, député de ce mouvement, n'hésite pas à utiliser un lexique belliqueux.

"Avec Madame Belloubet, on avait quelqu'un qui n'avait - c'est le moins qu'on puisse dire - pas de tendresse pour France Insoumise. Avec Dupond-Moretti, on a quelqu'un qui nous a quasiment déclaré la guerre. Au-delà de ça, ça ne changera rien à la politique de l'Élysée et au fait que la justice est malheureusement instrumentalisée par les politiques. Je pense que le ministre de la Justice va avaler pas mal de couleuvres parce qu'il était assez critique dans le temps du Parquet, avant, finalement, de courber l'échine".

 

Sa gouaille sera-t-elle l'épine dans le pied d'un gouvernement uniforme ?

Selon Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Cevipof, son franc-parler pourrait être un handicap, dans un gouvernement qui sonnait - jusqu'ici - souvent à l'unisson.

"Depuis Jean-Pierre Chevènement, on pense qu'un ministre, ça ferme sa gueule et ça part du gouvernement. Maître Dupond-Moretti ne nous a pas habitués, jusqu'à présent, à être celui qui tait ses opinions. Il a une capacité très bien connue des Français à mettre les pieds dans le plat, notamment lorsque ses convictions sont bien chevillées au corps. Est-ce que tout ceci est bien compatible avec la solidarité gouvernementale ? On verra à l'épreuve."

 

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