Le débat fait rage parmi les professionnels de la bioéthique et de la génétique. Faut-il légaliser les tests d'ADN privés ? Absolument ! Si on devait écouter Nathalie Jovanovic qui vient de publier L'ADN, un outil généalogique. Pas sûr que du côté du professeur Emmanuel Hirsch la réponse soit aussi simple. Dans Le Monde, il publie une tribune dénonçant les dangers de ce procédé, notamment dans la guerre des collectes de données.
Des résultats à prendre avec beaucoup de prudence
Mais avant toute chose, il bien important de définir ce que sont les tests ADN. Le professeur à l'Université Paris-Sud relève que "la finalité de ces tests, c'est la recherche de l'hérédité". "Beaucoup de personnes aujourd'hui aspirent à bénéficier de tests génétiques pour savoir s'ils sont exposés ou pas à des risques de maladie, comme le cancer ou l’Alzheimer", indique Emmanuel Hirsch. En France, ces recherches "relèvent d'une indication médicale". "Il y a toute une précaution dans l'information en amont et dans le rendu des résultats", poursuit-il.
C'est ce "côté approximatif des résultats" qui, selon le médecin, pousse "le législateur a être très rétif à toute extension". En effet, si certains "ont le sentiment d'être rassurés", d'autres sont dans le cas contraire, estime-t-il. "La relation médecin-malade, surtout pour des maladies à pronostic incertain, justifie beaucoup de prudence", juge-t-il. C'est donc sur Internet que les plus curieux se tournent. Avec un accès immédiat, "il suffit de payer entre 50 et 180 euros selon la demande", précise le professeur, pour "des résultats assez approximatifs". Pour Emmanuel Hirsch, il s'agit d'une question de fond : "s'agit-il d'une recherche médicale ?". Car la génétique peut également "susciter des discriminations", prévient-il.
L'intérêt des industriels
Mais qui peut donc bien avoir intérêt à proposer ces tests ? Selon Emmanuel Hirsch, "ce sont les industriels de la pharmacie qui investissent dans ces entreprises". Des grandes entreprises comme Google se cachent derrière les sites de tests ADN. "Les données sont difficilement anonymisables", explique-t-il. "Quand on sait qu'aujourd'hui la richesse ce n'est pas le pétrole mais les données, il y a un intérêt pour les laboratoires pharmaceutiques", lance le professeur.
D'où l'intérêt d'une légalisation en France pour Nathalie Jovanovic. "Dans la mesure où ce sont des sociétés étrangères qui ne sont pas soumises à la loi française, il n'y a aucun contrôle de ces données", explique-t-elle, tout en appelant "à leur faire confiance". "On donne un mandat très clair et très précis à ces laboratoires", juge la militante pour la légalisation des tests ADN privés. Dans le monde, quatre grands laboratoires se disputent le marché, trois basés aux États-Unis et un en Israël. "Il ne faut pas parler de laboratoire, il faut parler d'industriels et de GAFAM", réplique Emmanuel Hirsch, qui juge "être dans un système dérégulé".
100.000 Français par an ont recours à ces tests
Nathalie Jovanovic calcule à "1,5 millions de Français qui ont eu recours aux tests ADN privés depuis le début des années 2000", soit 100.000 personnes par an. "C'est pour ça que je demande à ce que ce soit légalisé en France", justifie-t-elle. Elle appelle à ne "pas faire d'amalgames entre les données génétiques médicales et les données génétiques héréditaires". "Quand on analyse l'ADN, on a des informations brutes, qui vont être une succession de lettres, c'est totalement illisible", raconte-t-elle. "Il faut passer par un programme informatique pour pouvoir décoder ces millions d'informations pour en extirper soit des données ethniques, soit médicales", poursuit-elle.
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