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Le regard d'Elisabeth Lévy - Les procès filmés, dernière fausse bonne idée de Dupond-Moretti

De prime abord, l'idée du Garde des Sceaux paraît aller dans le sens de la démocratie et de la publicité de la justice. Seulement, à terme, ce seront les médias eux-mêmes - les diffuseurs - qui choisiront les angles du spectacle et les magistrats pourraient céder à la dictature du nombre.

Tous les matins à 8h15, le regard libre d'Elisabeth Lévy dans le Grand Matin Sud Radio.

Eric Dupond-Moretti veut que les procès soient filmés.

Le garde des Sceaux commence par se filmer lui : il a lancé cette proposition dans une vidéo postée sur Facebook, inaugurant un rendez-vous régulier où il compte parler aux Français sans filtre. Au nom de la même conception naïve de la transparence, il propose que toutes les audiences soient filmées et diffusées. « La justice doit se montrer aux Français. La publicité des débats est une garantie démocratique » dit-il au Parisien

Une bonne idée, non ? 

Une fausse bonne idée. La publicité de la justice remonte à Athènes et à la République romaine. C’est même un principe essentiel de notre justice, au même titre que le caractère contradictoire. Mais Eric Dupond-Moretti confond publicité et médiatisation, ce qui revient à confondre le peuple et l’audience. Si vous assistez à un procès, vous verrez tout. Si vous le voyez à la télé, vous verrez ce que le réalisateur a choisi de montrer. La médiatisation est un filtre. 

Aujourd’hui, journaliste ou pas, vous pouvez assister à un procès mais pas le filmer ou l’enregistrer. Cet interdit a été confirmé par le Conseil Constitutionnel il y a un an, pour la sérénité des débats.

Seules exceptions prévues par la loi Badinter de 1985 : si le procès présente un intérêt historique. Klaus Barbie. Maurice Papon. Le Procès Charlie sera le neuvième dans ce cas de figure. 

Pourquoi ne pas étendre ce régime à tous les procès ?

En réalité, il ne le sera jamais. 

  • Quels procès diffusera-t-on ? Les plus gores, les plus spectaculaires, ceux où les prévenus et/ou accusés sont célèbres. Bref, ceux qui promettront de l’audience aux chaînes. Car il faudra bien payer tout ça. 
  • Entre en jeu une problématique pour les témoins et les condamnés : une fois que toute la France vous aura vu dans le box, votre réinsertion sera compromise.

Mais c’est déjà le cas avec les débats publics. 

Voir votre nom dans le Journal et votre bobine au JT, ce n’est pas pareil. Il y a une violence spécifique des images. Car la Justice est déjà un spectacle. Mais plutôt une pièce de théâtre. Faites entrer les caméras et vous en ferez une série TV. Non seulement vous verrez des avocats qui n’ont pas besoin de ça pour faire des effets de manche, et se tirer la bourre pour attirer la lumière, mais cela risque aussi de changer le comportement des magistrats. S’ils jugent sous la surveillance des médias, ils finiront par juger pour les médias. Et nous aurons inventé la Justice d’opinion. 

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