Retranscription des premières minutes :
- Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
- Bien. Nous sommes avec Guy Carlier. Bonjour, Guy. Bonjour, Jean-Jacques.
- Bonjour, cher Arlène. Bonjour à tous.
- Comme tous les vendredis, dites-moi... Oui, je disais, faites du travail... Faites du jour chômé. C'est pas... Faites du travail le jour chômé, mais... Enfin bon...
- Vous allez nous parler d'un héros de la classe ouvrière.
- Oui. C'était... Il y a une douzaine d'années, à cette époque, je me produisais sur scène. Pardon de parler de moi, mais je n'ai pas de problème d'égo, ceux qui me connaissent le savent, et c'est pour la compréhension de la chronique.
- À cette époque, je me produisais sur scène et je devais jouer une représentation à Florange, en Moselle, au moment où cette ville, souvenez-vous, était au cœur de l'actualité, avec la fermeture annoncée des hauts fourneaux d'ArcelorMittal.
- La veille du spectacle, une journaliste de l'Est républicain, ou du républicain Laurent, je sais plus, me demande si je suis solidaire des ouvriers d'ArcelorMittal.
- Tu penses bien qu'à la veille de jouer dans un théâtre qui avait invité les sidérurgistes, j'étais solidaire. J'en fis même des tonnes, du genre « J'aime la classe ouvrière, j'ai toujours aimé la classe ouvrière ».
- À la fin de l'interview, j'étais carrément garibaldien et débordé par l'enthousiasme, je finis par lâcher. D'ailleurs, j'ai décidé d'offrir le cachet de ma représentation aux ouvriers d'ArcelorMittal.
- C'est ça, c'est ça.
- Les ouvriers d'ArcelorMittal en lutte. Le lendemain, à la fin du spectacle, le leader charismatique de la coordination syndicale d'ArcelorMittal, qui s'appelait, souvenez-vous, Édouard Martin.
- Oui, oui, je l'interviewais plusieurs fois, Édouard Martin.
- Voilà, Édouard Martin, mon tableau.
- Il est devenu député européen, aussi.
- Voilà. On lui a un peu reproché d'avoir...
- Oui, oui, oui.
- Il est monté sur scène, je lui ai remis le chèque promis, puis je passais une nuit que je ne suis pas prêt d'oublier en compagnie des ouvriers d'ArcelorMittal.
- Ah bon ? Ah bon ? Oui.
- Oui.
- De l'eau de vie locale de Mirabelle.
- Leur visage avait le teint cuivré, buriné par les années passées dans les hauts fourneaux. Sur leurs joues, les rides profondes ressemblaient, vous savez, à ces rivières de feu, de l'acier en fusion qui coulent, ces rivières oranges qui irriguent les aciéries.
- À un moment, un vieux syndicaliste est venu s'asseoir à mes côtés. Il m'a servi un énième verre d'eau de vie de Mirabelle. Il m'a dit « Moi aussi, je vais te faire un cadeau ».
- Et il m'a tendu un chasuble fluo, vous savez, siglé au nom du syndicat, sur lequel un autocollant affirmait « ArcelorMittal vivra ».
- Bien sûr, il y avait l'effet de l'eau de vie de Mirabelle, mais il y avait surtout en face de moi un héros de la classe ouvrière, un working class héros, chanté par John Lennon.
- Un working class héros est quelque chose à être.
- Voilà, accrochez-vous, parce que la transition va être brutale. Je vais vous parler de François Hollande.
- Ça fait du bien.
- Oui, oui, ça, je me souviens de l'image, oui. Allez-y.
- Quelques jours plus tard, François Hollande, candidat à la présidence de la République, s'invita par surprise sur le piquet de grève de l'usine ArcelorMittal de Florence.
- La foule des ouvriers rassemblés lui fit un tel triomphe que Hollande décida de monter sur le toit d'une camionnette pour haranguer les sidérurgistes.
- Bon, l'espoir des ouvriers d'Arcelor en Hollande était tel qu'il n'y eut pas un rire à la vue d'une Hollande grimpant de façon grotesque sur la camionnette...
- Poussé au cul par des ouvriers. Personne n'a ri. Personne n'a ri. Au contraire, ils lui ont fait un triomphe lorsqu'il a déclaré, je cite le texte exact, « Je viens devant vous prendre des engagements ». Et puis il a enchaîné en disant « Le premier engagement, c'est de faire en sorte que nous défendions notre filière d'excellence, la filière sidérurgique, et je sais qu'ici, on fabrique le meilleur acier d'Europe ». Chaque phrase de Hollande était ponctuée par les vivas de la foule, le vieux syndicaliste qui m'avait fait la chasule restait impassible. Après avoir longtemps ché la tête en silence, il finit par murmurer « Il nous enfume, c'est foutu ».
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Transcription générée par IA