Est-ce vrai que l'immigration ne fait que s'intensifier ?
Nicolas Pouvreau-Monti : "Les États membres ont accordé 3,7 millions de premiers titres de séjour. C'est 150% de plus que dix ans avant"
Nicolas Pouvreau-Monti, co-fondateur et directeur de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie, fait remarquer que l'immigration n'a fait que s'intensifier. "Il y a eu un basculement migratoire en Europe au cours de la décennie écoulée. Le moment charnière a été la crise des migrants de 2015. Sur une décennie, l'Union européenne a accueilli plus de 8 millions de demandeurs d'asile sur son sol. En termes démographiques c'est comme si elle avait accueilli un nouvel État membre. Elle a aussi augmenté ses canaux classiques d'immigation légale. En 2023, les États membres ont accordé 3,7 millions de premiers titres de séjour. C'est 150% de plus que dix ans avant."
Erik Tegnér, le fondateur de la revue Frontières, soutient que l'Union européenne n'est pas en mesure de contrôler ses frontières. "Il y a une forme d'hypocrisie sur le fait qu'il y aurait une forme de contrôle sur les frontières européennes. Frontex, l'agence censée protéger les frontières européennes, qui a un budget de 800 millions d'euros, ne protège pas les frontières. L'ancien directeur de Frontex a été martyrisé par des ONG européennes qui essayaient de lancer des enquêtes contre lui. C'est ce que j'ai constaté aux Canaries."
"On pense que les bateaux de migrants seront empêchés de rentrer, mais en fait non. On se retrouve avec des ONG, la Croix-Rouge, des associations locales. Frontex n'est là que pour avoir des observateurs des droits humains. Je n'ai vu qu'une seule personne de Frontex là-bas. L'objectif de l'immigration aujourd'hui ce n'est pas de la contrôler. C'est de l'enregistrer et de la faire entrer progressivement sur l'ensemble du territoire. Les dirigeants européens se sont dit : 'on va faire en sorte que l'immigration soit moins visible. On va mieux la réguler'".
"Les dirigeants européens savent que les refoulement illégaux sont la seule manière de contrôler l'immigration aujourd'hui"
Erik Tegnér insiste sur le caractère schizophrénique des missions de Frontex. "Frontex est censé protéger les frontières extérieures de l'UE. Et dans le même temps, Frontex est tenu par le principe de non-refoulement, c'est-à-dire qu'on ne peut pas refuser l'entrée à quelqu'un qui prétend à un statut de réfugié."
Il a d'ailleurs raconté ce qu'il a observé lors d'un récent voyage à la frontière entre la Bulgarie et la Turquie. "En Bulgarie, il y a des refoulement illégaux. Des membres de Frontex, qui sont sur place, m'ont expliqué qu'ils ne voyaient jamais de migrants. Pourquoi ? Parce que les Bulgares ont insistitué un système qui est totalement illégal, du point de vue du droit européen."
"Lorsqu'il y a un franchissement illégal de migrants turcs, ils les récupèrent de nuit, ils les emmènent dans un camion jusqu'à un commissariat. Puis, le lendemain matin, derrière des camions bâchés, ils vont les remettre du côté turc. À chaque fois qu'il y a une traversée illégale de migrants, ils demandent à Frontex de ne pas venir, car Frontex va les empêcher de faire ce travail. Les dirigeants européens sont au courant, mais laissent faire, parce qu'ils savent que c'est la seule manière de contrôler l'immigration aujourd'hui."
Si les choses ne bougent pas, n'est-ce pas la faute à nos dirigeants ? "Aujourd'hui, les responsables politiques veulent cette immigration, et ils ne sont pas prêts à l'assumer. Ils sont donc dans cette logique de mentir, d'essayer de faire croire que c'est une chance. On nous fait croire qu'on importe des bac+10, alors qu'en réalité on se retrouve avec des personnes sous-diplômées."
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