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Charles Prats : "En omettant d'agir, le ministre engage sa responsabilité juridique"

Charles Prats, vice-président de l'Association professionnelle des magistrats et secrétaire national de l'UDI, était l'invité de "Bercoff dans tous ses états" le 2 juin 2023 sur Sud Radio.

Charles Prats
Charles Prats, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Le projet de fusion de la carte d'identité avec la carte Vitale, envisagé par le gouvernement, suscite de vives réserves. Dans un rapport conjoint rendu public le 1er juin 2023, l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des Finances (IGF) font valoir que le vrai sujet est le surnombre de cartes Vitale actives.

 

Charles Prats : "La France compte 67,8 millions d'habitants mais 73,1 millions d’assurés sociaux !"

"C'est ce que j'explique depuis maintenant bientôt 3 ans. C'est quelque chose qu’on sait depuis dix ans, depuis un rapport de l'Inspection des finances de septembre 2013. À l'époque, on avait 6,7 millions de personnes prises en charge que de gens qui existent sur le territoire. En septembre 2022, la Cour des comptes part d’un fichier qui s’appelle le SMIRAM et elle trouve 75,3 millions d'assurés sociaux pour 67 millions d'habitants. Donc un écart de 8.200.000 personnes. L’Assurance-⁠maladie est ensuite passée devant la commission d'enquête en expliquant qu’elle utilisait le fichier RNIAM qui, lui, donnait un écart 2,5 millions de personnes. Comme vous savez, fin mai 2023 Gabriel Attal a présenté son plan de lutte contre la fraude sociale. Et il a enterré la carte Vitale biométrique, pourtant votée par le parlement. Il dit : ‘j’ai le rapport de l’IFG et de l’IGAS qui me dit que c’est trop cher, donc on ne va pas le faire’.

Ce rapport a été mis en ligne hier. Le ministre avait dit : 'il n’y a plus de cartes Vitale en surnombre, il n’y en a plus que 949'. C’est quand même étonnant : la Cour des comptes nous disait qu'il y avait 58 millions de cartes Vitale actives, des gens âgés de 16 ans et plus, c’est-à-dire des gens qui peuvent avoir une carte Vitale. Dans le rapport je vois qu’ils partent de 60,3 millions d’assurés sociaux âgés de 16 ans pris en charge. Ils disent : 'vous voyez, il y a 60,3 millions de gens qu’on paie, et 58 millions de cartes Vitale. Donc il n’y a pas de problème'. Sauf que d’après le recensement, la France compte 55.050.000 de gens âgés de 16 ans et plus. Et ce n’est pas tout. D’après les données de l’INSEE, le bilan démographique, au 1er janvier 2022 la France compte 67,8 millions d'habitants. La Cnam, elle, parle de 73.109.186 assurés sociaux pris en charge. On a donc 5,3 millions d’assurés sociaux pris en charge en plus que de la population qui existe en France", tempête Charles Prats au micro d’André Bercoff.

 


"En conclusion, même en tenant compte de la fragilité de chiffrage obtenu, il demeurerait un stock d'assurés sociaux non-résidents de plus de 4 millions de personnes avec des incertitudes très fortes sur les chiffres. Donc des personnes qui ne sont pas en France, des assurés sociaux pris en charge a priori de manière irrégulière. Alors quand la Cour des comptes dit que la fraude aux prestations sociales, c'est seulement 8 milliards, elle ne compte pas ces 4 millions-⁠là. Je peux vous dire que 4 millions d’assurés sociaux qui sont pris en charge en France de manière irrégulière, ça fait un peu de sous, je rappelle que la dépense de protection sociale, c’est 900 milliards d'euros par an. Cela fait donc quelques dizaines de milliards par an", a rappelé Charles Prats.

"Gabriel Attal m'a écouté mais il ne m'a pas entendu"

Comment expliquer ce surnombre de cartes Vitale ? "On peut avoir des explications qui pourraient intervenir. Par exemple, la prise en charge en matière d'assurance maladie d’un certain nombre de ressortissants de pays dans le cas de conventions bilatérales. Un jour je vous ferai peut-être un tweet avec la liste des pays que nous soignons, des ressortissants que l’on soigne.

 


Il y a deux semaines Gabriel Attal m'a demandé de venir le voir. Je lui ai dit : ‘le problème, ce n’est pas la fusion carte Vitale – carte d’identité. Le problème que vous avez, c'est les millions d'assurés sociaux pris en charge en plus que des gens qui existent. La priorité, elle est là, elle est pas ailleurs. C'est là-⁠dessus qu’il faut travailler’. Il m'a écouté mais il ne m'a pas entendu. D’ailleurs, dans leur rapport, les deux inspections disent à Gabriel Attal, le ministre du Budget : ‘Dans le cadre de la lutte contre la fraude, la question de la filiation et de la radiation des assurés sociaux, en particulier lorsque leurs droits ne sont pas issus de cotisation facilement vérifiable, est prioritaire’. Elles disent que dans le cadre de la lutte contre la fraude cette question, elle est prioritaire, c'est-⁠à-⁠dire qu'il faut la résoudre. C’est exactement ce que je dis depuis trois ans", a déclaré Charles Prats.

Peut-on alors dire que le projet de carte Vitale biométrique était complètement inutile ? "Les gens confondent toujours carte Vitale et inscription à la Sécurité sociale, le NIR. En fait ce qu'il faut, c'est sécuriser par la biométrie le numéro d'inscription au répertoire, la certification d'identité. Cela permettrait de sortir du système, c'est 4 ou 5 millions de personnes qui n'ont rien à y faire. Et là vous allez voir que les dépenses de protection sociale vont baisser. C’est des dizaines de milliards d'euros d'économisés", a répondu Charles Prats.

 

Fraude sociale : "le ministère n'a peut-être pas intérêt à admettre qu'il n'a rien fait en la matière depuis dix ans"

Selon Charles Prats, ce n’est pas un hasard si les deux inspections ont choisi de mettre ce problème noir sur blanc dans leur rapport. "Les inspecteurs savent très bien pourquoi ils écrivent ce qu'ils écrivent. Parce que plus tard, ils pourront dire ‘on l'avait dit, on avait prévenu le ministre’. Et si le ministre ne le fait pas, il engage sa responsabilité politique mais aussi sa responsabilité juridique. Il ne faut pas oublier qu'il y a un délit qui existe dans le Code pénal, c'est le détournement de fonds publics par négligence."

Alors, pourquoi Gabriel Attal n’agit pas ? "Je pense qu'il est plutôt volontaire, c’est un garçon intelligent. Et accessoirement il était au cabinet de Marisol Touraine, la ministère des Affaires sociales déjà il y a quelques années. Je pense qu'il connaît un petit peu la musique et les acteurs de la sphère sociale. Mais ça reste un ministre. Le ministre, il est aussi un peu dans les mains de son administration et donc il présente un plan qui lui a été conçu par ses services. Et lesdits services, ça ne les intéresse peut-⁠être pas de mettre en lumière ce problème-⁠là parce qu'encore une fois, si vous mettez en lumière ce problème-là, vous reconnaissez le fait que vous n'avez pas agi là-dessus depuis une dizaine d'années", a estimé Charles Prats.

 

 

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Retrouvez “Le face à face” d'André Bercoff chaque jour à 12h30 dans "André Bercoff dans tous ses états" Sud Radio.

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