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Bernard Lecherbonnier : "Le taux d'alphabétisation ne progresse pas dans l'Afrique francophone"

Par Jean Baptiste Giraud

Comment est née la francophonie ? Bernard Lecherbonnier, professeur à l'université de Paris-XIII, directeur de recherches en études littéraires francophones, était l'invité d’André Bercoff sur Sud Radio le lundi 11 septembre 2023 dans "Bercoff dans tous ses états".

Bernard Lecherbonnier
Bernard Lecherbonnier, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Comme l'explique Bernard Lecherbonnier, plusieurs choses se sont passées simultanément dans les années 1960 pour donner naissance à la Francophonie.

 

Bernard Lecherbonnier : "On s'aperçoit que la langue, ça doit s'enrichir, se moderniser"

Comment est née la Francophonie ? "Philippe Rossillon a été chargé en 1968 par Georges Pompidou d'une mission extraordinaire, à savoir de créer les institutions francophones, ça s'appelle aujourd’hui l'Organisation internationale de la Francophonie. Et pendant sept ans, jusqu'en 1973, Rossillon va créer d'une part la politique de la langue en France (qui n'avait jamais été reprise en main depuis Richelieu). On s'aperçoit que la langue, ça doit s'enrichir, que la langue, ça doit se moderniser. On s'aperçoit que la langue, il faut en garantir la qualité pour les locuteurs, qu'il faut protéger le locuteur contre d'autres langues qui peuvent être parasites, c'est la fameuse loi Toubon qui en sortira. Il recrée la politique de la langue pour le plan intérieur, mais également pour le plan extérieur".

Bernard Lecherbonnier rajoute : "En arrivant en 1960, c’est la décolonisation. Et Senghor, Bourguiba, ils disent qu’il faut bien quand même qu'on soit reliés les uns aux autres par quelque chose. Nous, les Africains, et les Africains avec l'ancien colonisateur. Et même année, 1960, il y a la révolution tranquille au Québec. Le Québec affirme son identité par rapport au Canada anglais. Les Québécois disent : ‘nous voudrions également être en relation avec les autres francophones de la planète".

 


"Rossillon est proche de Pompidou. L'idée de Rossillon est de dire : ‘les anciens combats comme l'Algérie, oublions, allons vers les nouveaux combats’. Et les nouveaux combats, ça va être de renforcer la France dans ce qu’elle a de plus talentueux, de plus ancien, de plus profond, de plus identitaire, dont la langue. Rossillon va donc proposer à Pompidou et à Jaubert de créer ce fameux Haut comité de la langue française. Et quand le Haut comité va être créé solennellement par Pompidou en 1966, la fameuse phrase de Pompidou, c’est : “ça doit être une croisade pour la langue française", a poursuivi Bernard Lecherbonnier.

"Dans l'ensemble de l'Afrique francophone, le taux d'alphabétisation est autour de 50%"

Quels problèmes se posent aujourd’hui devant la Francophonie, tant en Afrique qu’en France ? "Au niveau de la Francophonie, notamment de la Francophonie africaine, le grand problème, c'est l'alphabétisation. On s'étonne par exemple que le Mali, le Burkina, le Niger aient basculé. Regardons ce qui s'est passé dans ces pays. On est à moins de 30% de personnes qui parlent le français, et on est à 15% d'alphabétisation. Donc, ces pays ont déjà basculé. Au moment où il y a la bascule politique, la bascule linguistique s'est déjà produite. On s'aperçoit que dans l'ensemble de l'Afrique francophone, on doit être sur un taux d'alphabétisation autour de 50%, qui n'a pas bougé d'ailleurs depuis des décennies. Mais il ne progresse pas non plus. S’il continue à y avoir cette chaîne de coups d'État, on peut imaginer que cette francophonie devienne francophobie, et on ne sait pas ce que le français va devenir.

 


En France, c’est un autre problème, c'est un effondrement de l'apprentissage à l'école. Au niveau de l'usage de la langue écrite en particulier. Actuellement, on doit être le 22ème ou le 23ème pays au niveau de l'OCDE au niveau de la qualité de l'apprentissage de la langue dans notre pays. Le nombre de fautes par dictée, le nombre de fautes faites par les élèves est absolument hallucinant. Le nombre de fautes a doublé depuis trente ans. On doit arriver aujourd'hui à trente, quarante fautes pour une dictée de soixante mots. Au niveau de la francophonie, au sens propre, c'est l'alphabétisation qui est le problème numéro un. Et en France, c'est le problème de l'apprentissage du français", a résumé Bernard Lecherbonnier.

 

 

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