Dans son livre Mes très chères saintes (Éditions du Rocher), la chanteuse Natasha St Pier rend hommage à dix figures spirituelles. Elle esquisse autant de portraits de catholiques qu'elle célèbre comme des femmes inspirantes.
Natasha St Pier : "Toutes ces femmes ont été guidées par quelque chose de plus grand qu'elles"
Gilles Ganzmann : Quel est le point commun entre toutes ces femmes ?
Natasha St Pier : Je pense que c'est la capacité qu'elles ont eue à suivre ce que leur instinct leur disait de suivre, et ne pas suivre ce que la société, leur mari ou la bien-pensance leur disait de suivre. Thérèse de Lisieux a voulu entrer au Carmel, alors qu'elle était beaucoup trop jeune pour le faire. Jeanne d'Arc a voulu commander une armée, alors qu'on lui demandait de garder sa bergerie. Sainte-Geneviève a voulu agir un peu en politique pour sauver Paris, alors que la place des femmes n'était pas là. Toutes ces femmes ont peut-être été guidées par [quelque chose de] plus grand qu'elles, mais en tout cas n'ont pas suivi ce qu'on leur demandait de faire.
Jean-Marie Bordry : Vous êtes Canadienne. Est-il plus facile de parler de religion au Canada qu'en France ? On est un pays très laïc…
Natasha St Pier : Le Canada est un pays catholique, mais qui devient de plus en plus laïc. Jusqu'à il y a peu de temps, on enseignait la religion dans l'école publique, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Mais le mariage religieux est encore reconnu. Après, c'est un pays qui s'ouvre sur le monde aussi. On a eu beaucoup moins rapidement qu'en France de l'immigration. C'est peut-être dû à notre climat, qui fait moins envie, qui fait moins rêver, je suppose. Mais aujourd'hui, le pays s'ouvre aussi à l'immigration. Et dans un souci de faire une place à tout le monde, on essaie aussi de vivre avec notre temps.
"Toutes ces femmes-là m'interpellent et me font me remettre en question"
Gilles Ganzmann : Laquelle de ces femmes vous inspire le plus d'admiration ?
Natasha St Pier : Toutes m'inspirent beaucoup d'admiration. Jeanne d'Arc, Marie, Sainte-Geneviève, Thérèse de Lisieux… Et il y en a une qui m'inspire aussi un peu d'incompréhension, c'est Gianna Beretta Molla, qui est la plus moderne d'entre toutes. C'était une femme pédiatre qui a choisi, en toute connaissance de cause, de mener une grossesse à terme, bien qu'elle savait qu'elle allait en mourir. Elle a préféré donner la vie alors qu'elle avait déjà des enfants. C'est là où je n'arrive plus à à comprendre. J'ai moi-même un enfant, et je me dis : "Est-ce que je serais capable de sacrifier ma vie, alors que cet enfant a encore besoin de moi, pour donner la vie à un autre enfant ?". Qu'est-ce qui peut faire qu'une femme ait cette grandeur d'âme, comment elle l'a fait? Toutes ces femmes-là m'interpellent et me font me remettre en question.
Gilles Ganzmann : Est-ce compliqué aujourd'hui d'avoir la foi ?
Natasha St Pier : Je pense que c'est compliqué de tous temps d'avoir la foi. Même ces femmes en parlent. Si on prend juste Thérèse de Lisieux, elle va connaître deux moments dans sa vie qu'elle appelle "les nuits de la foi", où elle va douter une première fois de tout. La deuxième fois, sa "nuit de la foi" ne porte pas sur l'existence de Dieu, mais sur l'existence de la vie éternelle. Elle, qui a consacré sa vie sur terre dans un seul but, c'est de rejoindre ce qu'elle appelle sa "vraie patrie", le ciel, va douter de ce ciel et penser que tout ce qu'elle a fait est vain. Donc, douter c'est normal, et ça fait partie de la foi. Je pense que si c'était facile d'avoir la foi, tout le monde l'aurait.
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