La pression peut quelque peu retomber sur Sébastien Lecornu et son gouvernement. Incertaine jusqu'au bout, l'issue du vote sur le budget de la Sécurité sociale à l'Assemblée nationale a été favorable au chef du gouvernement - qui avait annoncé ne pas vouloir passer en force avec le 49.3 - dont le projet a été adopté de justesse à la majorité simple par 247 voix contre 234.
Si l'on savait que Renaissance, le Modem et le Parti Socialiste voteraient en sa faveur, tandis que le RN, l'UDR et les Insoumis s'y opposeraient, le sort de ce projet de budget de la Sécu étaient entre les mains des incertains, à savoir Les Républicains, Horizons, le PCF et les Écologistes.
"Le compromis n'est pas un slogan, il permet d'avancer dans le sens de l'intérêt général"
Après l'épreuve du feu de l'adoption du budget de la Sécu, le Premier ministre a tenu à saluer sur X (ex-Twitter) le résultat du vote, fruit "d'un débat exigeant, sans 49.3" -une première d'ailleurs depuis 2022 !-. Pour Sébastien Lecornu, l'issue positive du scrutin a été possible grâce à une "majorité de responsabilité", où le compromis n'est désormais plus un "slogan", mais bien une trajectoire à suivre pour "avancer dans le sens de l'intérêt général".
En proposant aux oppositions volontaires de travailler main dans la main, Sébastien Lecornu espérait impulser une nouvelle manière de légiférer dans l'hémicycle... C'est aujourd'hui chose faite avec l'adoption de ce budget qui, selon l'ancien ministre des Armées, s'avère être une "chance pour la démocratie représentative". Par ces mots, le Premier ministre reste fidèle à ses engagements, pris notamment lors de son deuxième discours de politique générale en octobre dernier.
Pour finir, Sébastien Lecornu a tenu à rappeller l'état d'esprit du gouvernement au sortir de ce vote jusqu'au dernier moment incertain. À partir de maintenant, le "l'intérêt général" prime, "sans céder ni à la fébrilité, ni aux agendas électoraux". Pour le chef du gouvernement, cette situation ressemble en tous points à une parenthèse enchantée, un moment de répit avant de se pencher -"dès demain"- sur la question plus qu'épineuse de "l'adoption d'un budget pour l'État".
"Honte", "un budget de punition", "magouilles",... du côté des oppositions, les critiques fusent
Si le camp présidentiel et le Parti socialiste se félicitent de la validation de cette première étape budgétaire, l'humeur est à la critique -et pas à la fête- du côté des oppositions. En effet, pour le député LFI et président de la Commission des finances de l'Assemblée Éric Coquerel, le budget de la Sécurité sociale adopté ce soir est une "honte". Même son de cloche pour sa collègue Insoumise Clémence Guetté, qui reproche au Parti socialiste -en ayant intégré "la coalition autour de Lecornu"- de trahir les électeurs du Nouveau Front populaire (NFP).
La vice-présidente de l'Assemblée est formelle : côté Insoumis, la censure "dès que possible" sera la réponse aux "horreurs" que le gouvernement et ses soutiens ont permis par l'adoption du budget de la Sécurité sociale. De son côté, Jean-Luc Mélenchon met lui aussi en garde sur X : "ce budget n'empêchera pas la crise financière, il l'aggravera parce qu'il montre un pouvoir aux abois sans ligne, ni cohérence".
Côté Rassemblement National, les réactions ne sont pas plus optimistes. En effet, Marine Le Pen accuse Sébastien Lecornu d'organiser "une désinformation massive sur le budget 2026". Pour Jordan Bardella, numéro deux du parti, le budget adopté ce soir est tout simplement un budget de "punition et de taxation".
Quant à Guillaume Bigot (député RN du Territoire de Belfort), le budget voté dans l'hémicycle il y a quelques heures est "le pire budget" de l'histoire. Une situation d'ailleurs permise, selon lui, grâce à la "duplicité du PS" et à "la lâcheté des LR suite aux magouilles en coulisses avec le gouvernement". Que ce soit à gauche ou à l'extrême droite, le RN et LFI sont au moins d'accord sur un point : l'application du budget 2026 de la Sécurité sociale impactera de plein fouet... les Français.
Et maintenant, quelles sont les prochaines étapes au Parlement ?
Si le Premier ministre se réjouit d'une première victoire importante, la partie n'est pourtant pas encore gagnée. En effet, le vote favorable de ce soir n'est qu'une étape-clé, puisque le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) repart maintenant au Sénat pour un examen en commission à partir de mercredi, et dans l'hémicycle vendredi. À l'issue de ces étapes -et sans compter les modifications potentiellement apportées par la Chambre haute-, le texte reviendra en dernière lecture à l'Assemblée, à une date encore incertaine, et les députés auront le dernier mot.
Ensuite, l'attention va rapidement se porter sur le projet de loi de finances (PLF). Un budget de l'État pour 2026, qui prévoit notamment une trentaine de milliards d'euros d'économies et sur lequel, à ce stade, le Parti socialiste a obtenu très peu de concessions gouvernementales. Un nouveau casse-tête, puisqu'en première lecture, le volet recettes du texte a été rejeté à la quasi-unanimité par les députés. Actuellement en phase d'examen au Sénat, le texte a considérablement penché à droite et risque, de fait, de se heurter au blocage de la part des oppositions de gauche.
Par ailleurs, de nombreux cadres politiques estiment qu'il sera beaucoup plus complexe d'aboutir à un vote favorable sur le budget de l'État que sur le budget de la Sécurité sociale, poussant certains d'entre eux à plaider pour le retour du 49.3 juste avant Noël. C'est par exemple le cas de François Hollande au PS, ou encore du groupe MoDem et de plusieurs dirigeants de la coalition gouvernementale. Mais pour Sébastien Lecornu, l'utilisation du 49.3 est encore et toujours une hypothèse non envisageable. Si le Premier ministre changeait d'avis, il s'exposerait sans aucun doute à une motion de censure dans les derniers jours de décembre.