Telle une préface gravée pour l'éternité, le récit de sa trajectoire sportive débutera toujours la même manière. Alors autant l'aborder d'emblée, lui qui a fait de son handicap un marche pied pour réaliser ses rêves et transcender son projet de vie joliment intitulé « Rêve à Perte de Vue ». Un clin d'oeil assumé pour Joël Paris, malvoyant, qui est né avec une déficience visuelle : 0 à l’œil droit, 2/10 à l’œil gauche.
Atteints d’une cataracte congénitale et d’un glaucome, ses yeux ne l'ont jamais empêché de voir la vie en grand. Dès son plus jeune âge, il est contaminé par le virus de la mer, de la voile et du grand large. « Je porte des verres depuis que je suis gamin, raconte le skipper de 62 ans. Malgré mon handicap et ma déficience visuelle, je suis parvenu à devenir navigateur. Au début, ce n’était pas facile. Mais quand ils ont vu que je me débrouillais, il n’y avait plus de différence avec les autres. »
"L'idée, c'est vraiment d'arrêter d'emmerder les handicapés !"
Optimist, 420, bateaux de croisière, Half. Joël Paris écume tous types d'embarcation et va croquer dans sa passion. Avec depuis toujours la féroce envie de faire bouger les lignes et de casser les codes. « L'idée, c'est vraiment d'arrêter d'emmerder les handicapés et de leur dire que ce n'est pas possible. Mais de leur donner leur confiance. Je ne sais pas ce que vous voyez mais moi, si je le fais, c'est que c'est possible parce que j’aime beaucoup la vie. Ce n'est pas un exploit, je veux juste montrer que c'est possible. Je ne peux pas être pilote de chasse ni de Formule 1, arrêtons les bêtises. Mais par contre être skipper, c'est possible. C'est mon minimum de compétences. »
Tenir la barre, prendre un ris, lever la grand voile, envoyer le spi, monter au mât, réparer une avarie, choquer l'écoute : Joël Paris est en capacité de tout faire sur un bateau avec même, ce petit truc en plus lié à son handicap visuel qui va exacerber d'autres sens. « Mes yeux m’ont appris à penser autrement, mettre en place des solutions alternatives. On peut très bien naviguer les yeux fermés en allant chercher d'autres repères au niveau des sensations, du ressenti, du vent sur le visage, souligne ce jeune retraité bondissant. C'est ce que permet la voile. Je ne peux pas être pilote de chasse ni de formule 1 mais ça, c’est dans ma ligne de compétences. »
@TransatCafeLOR : SUD RADIO partenaire de l'équipage "Rêve à perte de vue"
— Sud Radio (@SudRadio) October 24, 2025
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"Mes yeux m’ont appris l'ambition et l'humilité "
Son rêve depuis l’enfance étant de traverser les mers, les océans et les frontières pour se sentir libre du regard des autres, Joël va donc naturellement créer en 2016 une association dont le nom coule de source : « Rêve à Perte de Vue ». Avec pour buts de casser les préjugés sur le handicap, démontrer que tout est possible et sensibiliser le grand public en participant à des courses médiatiques. D'où la création d'un équipage handi-valide unique dans la course au large.
Basé à Marseille, Joël va démarcher des sponsors et autres partenaires afin de donner corps à son projet. « Mes yeux m’ont appris l'ambition et l'humilité aussi, précise-t-il. Un sens certain de l'écoute, du contact, de la négociation. » Compétiteur dans l'âme et marin expérimenté, le renard des mers va s'aligner sur plusieurs courses majeures et compétitions internationales afin de sensibiliser le grand public et d'amplifier la caisse de résonance à travers des compétitions internationales. Comme Marseille et Carthage en 2020 ou encore la Transat Jacques Vabre 2023.

« Une idée aussi simple que barge »
L'appétit venant en mangeant à la table des grands, Joël Paris a décidé de remettre ça cette année et de prendre le départ de la 17e édition de la Transat Café l'Or (nouvelle appellation de la Transat Jacques Vabre), cette course au large de légende qui réunit tout le gratin de la voile et qui relie le Havre à Fort-de-France, en Martinique, sans assistance et sans escale: « Une idée aussi simple que barge », s'amuse-t-il.
Engagés en binôme sur "Rêve à Perte de vue" en Class 40 aux côtés de Goulven Marie, vençois et skipper pro depuis 30 ans, les deux hommes ont décroché leur ticket cet été après avoir réalisé les qualifications requises. Pour les soutenir dans leur Transatlantique, deux gloires du sport français, Philippe Candeloro (vice-champion du monde et d'Europe de patinage, médaillé de bronze aux JO 1994 & 98) et Joël Abati (champion olympique de hand 2008, double champion du monde) ont accepté de devenir respectivement ambassadeur et parrain du projet.
Définitivement dans la cour des grands, Joël « savoure tout » comme à ses débuts, se pince même parfois pour y croire et n'en perd pas une miette, alors que le départ de sa catégorie sera donné ce dimanche 26 à 14h45. A 62 ans, le navigateur a encore des rêves pleins les yeux.