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Élisabeth Lévy - Superligue : "Les supporters anglais, Brexiters d'hier, ont sauvé l'honneur"

C'est un tournant historique, un retournement de veste phénoménal, tant pour le monde du sport que pour le symbole d'une société qui résiste avec un certain attachement au bien commun. Une victoire populaire, celle des supporters, sur les puissances de l'argent et quelques oligarques qui ont oublié l'essence-même du sport.

À peine 24 heures après le communiqué qui annonçait l'ambition de douze clubs de créer leur "Superligue", les supporters étaient unanimes et rassemblés autour d'une même âme : l'amour de la compétition. (Photo d'Adrian Dennis / AFP)

Finalement, la Superligue européenne de football ne verra pas le jour. 

Au début des années 2010, une déclaration de Warren Buffet avait fait scandale: « Il y a une guerre des classes, et c'est ma classe, la classe des riches qui est en train de la gagner ». Dans ce dernier épisode qui se déroulait dans le monde impitoyable du sport-business, les sans-grades ont fait plier les puissances de l’argent. 

Comme me l’a expliqué mon consultant Alain Finkielkraut, cette sécession des très-riches était voulue non pas par les joueurs, même si l’un des objectifs était de pouvoir leur verser leurs salaires mirobolants, mais par les propriétaires saoudiens, russes, émiratis, ou même, dans le cas de la Juve, par l’Italien Andrea Agnelli. Les acteurs du capitalisme mondialisé ayant comme objectif leurs seuls profits, ne veulent plus en lâcher une partie aux clubs moins titrés et moins fortunés. Le patron de l’UEFA, Aleksandr Ceferin - ex-grand copain d’Agnelli dont il est même le parrain de la fille - a parlé de la “cupidité” des frondeurs. 

Comment s’explique leur renoncement ?

Par la révolte des supporters anglais, les fameux fans. Ceux-ci ont reçu le soutien de Boris Johnson. Ceux de Manchester, Liverpool et des autres clubs conjurés, ont refusé de voir leurs équipes constituer un club très fermé de super-champions qui, à coups de milliards, aurait accaparé les meilleurs joueurs du monde. « We want our cold nights in Stoke », Sur le site de Front Populaire, Max Erwann Gastineau déclare sa flamme au peuple anglais : « Derrière ces nuits froides de Stoke, tu veux continuer de partir en car avec tes copains, supporter les gars du coin, écumer les bars de ton voisin. On appelle ça la fidélité. » Il y a en effet dans ce soulèvement pacifique des Brexiters d’hier une manifestation de ce qu’Orwell appelait la “common decency”, l’attachement au bien commun. 

Toutefois, ne nous faisons pas d’illusions. Cette victoire des amoureux du football ne les empêchera pas de perdre la guerre car elle est perdue depuis longtemps. L’argent a presque éliminé la glorieuse incertitude du sport. Ce sont presque toujours les riches qui gagnent. C’est pire que le dopage, selon Alain Finkielkraut. En attendant, les supporters anglais ont sauvé l’honneur.

 

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