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Guy Novès : "Je veux trouver des remèdes pour le rugby français"

Par Justin Boche

Le nouveau sélectionneur du XV de France était l'invité exceptionnel de Judith Soula pour un entretien confidence dans Sud Radio Sport. Ses adieux au Stade toulousain, son nouveau poste de sélectionneur, son projet de jeu, sa vision du rugby, ses solutions pour le rugby français, il n'a évité aucune question. L'interview confession en intégralité.

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Avant d'évoquer ton nouveau job à la tête de l'équipe de France, revenons sur l'hommage qui t'a été rendu samedi soir par le Stade toulousain. Ça a été beaucoup d'émotion ? Guy Novès : Oui. J'avais sûrement besoin de ça. De communier une nouvelle fois avec ce public. De revoir une grande partie des joueurs avec lesquels j'ai partagé ma vie entière dans le sport. C'est vrai que le Stade toulousain m'a rendu cet hommage et je leur en remercie. Ça a été un plaisir partagé, je crois, et le fait de me retrouver sur ce terrain avec un match particulièrement intéressant, tous les ingrédients étaient réunis pour que la soirée soit belle. Ta carrière a défilé dans ta tête ? Non. Quand on m'a proposé ce rendez-vous, à ce moment-là j'ai recommencé à penser à tout ce que j'ai pu vivre durant mes années à Toulouse. Mais dans le vif du sujet, j'ai été plutôt attentif aux gens qui m'honorent, à la façon dont les choses se déroulent. D'une certaine manière, j'étais complètement impliqué et j'ai ressenti une certaine émotion en voyant certains visages. Ça permet de tourner la page du Stade toulousain ou elle ne sera jamais vraiment tournée ? Elle ne sera jamais vraiment tournée définitivement. Mais le fait d'enfin partir en laissant des bons souvenirs à tous mes amis c'était un petit clap de fin momentanée pour passer à autre chose.

"On regarde ce qui a fonctionné ou non pour avancer"

Depuis une semaine tu as commencé tes nouvelles fonctions avec un nouveau défi. Comment se sont passées ces premières semaines à Marcoussis dans ton nouveau costume de sélectionneur ? Tout d'abord, on répond à toutes les sollicitations et elles sont vraiment nombreuses. Je m'y attendais, mais quelque part mon vrai métier c'est d'être manager de rugby. De parler de rugby et de jeu. Et j'avoue que ça n'a pas été le cas au début. Il a fallu faire des photos. Répondre aux médias. Rencontrer un certain nombre de personnes. Rencontrer un certain nombre de personnes, dont mon staff, et les gens de la DTN. De m'entretenir avec toutes ces personnes pour mettre les choses au point pour l'avenir. Justement comment se passe une semaine de sélectionneur de l'équipe de France ? C'est différent d'une semaine de club puisque les joueurs ne sont pas là. Est-ce que c'est quelque chose que tu appréhendes ? C'est certain que ça n'a absolument rien à voir. Le fait de travailler au quotidien avec les jours, de faire passer des petits messages en permanence, d'être attentif à tous les détails. Ce n’est plus le cas. Sélectionneur, c'est se concentrer sur ce que l'on va pouvoir proposer aux nouveaux joueurs qui vont arriver et aux anciens. C'est prendre conscience de ce qui nous attend, de ce qu'attendent les partenaires, les supporters, mais surtout les joueurs. On est très concentré avec Yannick Bru et Jeff Dubois qui vont faire plus que m’épauler. On essaie de soulever tous les problèmes qui ont pu surgir et de trouver des solutions. Pour le moment vous faites le bilan de ce qui s'est passé ?Oui c'est une forme de bilan. L'intérêt d'avoir Yannick, c'est d'abord que c'est quelqu'un que j'estime beaucoup en tant que jouer et entraîneur. Mais c'est aussi qu'il arrive avec quatre ans d'expérience en équipe de France. On regarde ce qui a fonctionné ou non pour avancer.

"On a vu que par le rugby de mouvement on arrive à faire du spectacle et à gagner"

Tu as compris que certaines étaient sceptiques sur le fait qu'il reste alors qu'il est associé à l’échec de Philippe Saint-André ? Ce qui est sur c'est que moi, je ne remets pas du tout en cause ses qualités et je sais qu'il va énormément nous apporter. Le chantier est immense après l'élimination prématurée lors du mondial. Tu as le sentiment de t'être mis en danger en acceptant ce poste ? Non. Ce n'est pas un danger pour moi d'accepter ce poste. Je n'ai pas pensé au danger, mais à l'honneur qui m'est fait. C’est une énorme reconnaissance qui m'est faite. Je me projette sur l'avenir avec l'idée que ça ne va pas être facile. Au Stade toulousain aussi il y avait chaque année du danger et ceux qui me connaissent savent que ça ne me fait pas peur. L'équipe de France va-t-elle repartir de zéro ou pas ? Non. C'est le rôle des médias de dire ça pour créer l'événement.D'accord, mais les supporters ont été énormément déçus ?Bien sûr. Quand on perd, on est tous déçus. Toutes les générations de joueurs ont eu de grandes déceptions. Ce n'est pas pour ça que l'on repart de zéro. La vie de joueur ce sont des moments très positifs et d'autres très négatifs, mais il faut toujours avancer.Tu n'as pas la même vision de jeu que Philippe Saint-André. Aujourd'hui ton objectif c’est de redéfinir un plan de jeu pour tendre vers quoi ?Disons que l'on a la même vision des bases du jeu. Tous les entraîneurs du monde savent que si on n'a pas une bonne conquête et une bonne défense, c'est très compliqué d'aller combattre sur un terrain de rugby. Je partage avec lui cette priorité. Après il y a l'exploitation différente et là-dessus nous sommes sensiblement différents. Aujourd'hui, je pense que Phillipe l'a très bien compris, mais peut-être trop tard. Je vais rapidement essayer de proposer un jeu nécessaire en 2015-2016. On a vu que par le rugby de mouvement on arrive à faire du spectacle et à gagner.

"Je vais essayer de mettre en place une équipe efficace avec de l'avenir"

Est-ce que l'on a les joueurs pour le pratiquer ?Sans langue de bois, je peux dire que certains joueurs sont plus aptes que d'autres à pratiquer ce style de jeu. C'est le rôle du staff de prendre les joueurs qui correspondent au jeu que l'on veut mettre en place sur le terrain. Je crois que la mission des joueurs sera de redonner du plaisir au public. Ils devront venir sur le terrain pour rendre aux gens ce que les gens leur donnent. On va tout faire pour que le jeu évolue, soit spectaculaire, que le ballon vive. Il faut savoir s'en servir aussi. Il ne faut pas rendre les ballons si facilement. Il faut aller vers ça au risque du résultat qui momentanément ne sera pas au rendez-vous. Comme Phillipe Saint-André vous êtes un ancien ailier. Pourtant on a eu le sentiment que ce poste a été délaissé depuis quatre ans. On manque de finisseurs aujourd'hui en équipe de France ?Il y a eu la blessure de Yoann Huget. Mais je ne veux pas parler de Philippe Saint-André. Il a été au bout de son mandat en restant fidèle à ses convictions. Il a choisi des joueurs qu'il connaissait bien. Il fera son bilan. En ce qui me concerne, je crois qu'il y a encore des finisseurs en France. Certains sont jeunes, d'autres plus vieux. Je vais essayer de mettre en place une équipe efficace avec de l'avenir. Le choix du capitaine est très important. Tu as échangé depuis avec Thierry Dusautoir ? Non. Je l'ai salué samedi soir à l'issue du match. Mais on n'a pas pu parler tranquillement. Pour moi Thierry est sûrement le plus grand capitaine que j'ai rencontré. Je n'ai pas que de l'estime pour lui, j'ai de l'admiration. Et je pense qu'il fait partie des plus grands joueurs que j'ai rencontré en 40 ans. Sur ce que l'on va faire plus tard, c'est Thierry qui le sait en premier. Je ne vais pas m'exprimer là dessus. Je discuterais avec lui et avec le staff et nous déciderons ensemble de l'avenir de Thierry en fonction de ce qu'il désire, mais surtout en fonction de ce que nous pensons nous.

"Élire les joueurs, c'est élire les meilleurs"

Ensuite, il faudra choisir un nouveau capitaine pour se projeter sur le Japon ?Ce qui m'intéresse ce n'est pas dans quatre ans, c'est le prochain match. C'est vrai qu'il faut préparer une génération pour dans quatre ans. Mais l'objectif pour le moment ce n'est pas la coupe du monde.Tu as comparé le maillot bleu à un treillis militaire. Ça va être la guerre à Marcoussis ? Non ce ne sera pas la guerre. Mais ce sera la rigueur, une obligation de comportement et d'attitude. Élire les joueurs, c'est élire les meilleurs. Et ceux-là doivent avoir une obligation de représentativité à Marcoussis ou ailleurs. C'est ce que l'on attend d'une personne qui représente le pays. Je ne fais pas l'apologie de l'armée, mais c'est une forme d'éducation. Pour d'une part servir son partenaire, se faire servir par celui-ci, servir l'équipe, la fédération et les dirigeants. Tous ceux qui donnent le meilleur pour que l'équipe soit la meilleure. Les joueurs viennent en mission. Qui dit mission, dit commando. Le rugby est un sport de combat. C'est une guerre moderne ou on rivalise avec l'adversaire. Dans l'évolution de ton métier as-tu trouvé que les joueurs ont moins de rigueur ? Au Stade toulousain j'ai eu des jeunes gens formidables. En équipe de France, je vais apprendre à connaître de nouvelles mentalités. Mais je voudrais que ceux qui seront sur le terrain ressortent avec le visage de ceux qui ont tout donné. Même si parfois ils sont marqués. C'est compliqué de tout donner pendant 80 minutes sans avoir de stigmates du combat. Je veux que les joueurs aient conscience des risques de défendre le maillot et la patrie quand ils rentrent sur un terrain.

"Ma mission c'est de trouver des remèdes momentanés pour redonner un peu de pêche à ce rugby"

Après la débâcle des Bleus au mondial, on a beaucoup entendu que le rugby français est malade. Que faut-il faire pour le soigner ? Moi, ma mission ce n'est pas de soigner le rugby français même si j'ai mon avis dessus. Ma mission c'est de trouver des remèdes momentanés pour redonner un peu de pêche à ce rugby. Je vais le faire en toute humilité en gardant le positif de ce qu'a fait Philippe avant moi. Pour soigner de manière définitive le rugby français, il faut soigner le rugby à la base. On ne peut pas rivaliser avec les meilleurs rugbymen du monde lorsque ceux-ci s'entraînent avec une éducation rugby qui démarre à l'âge de 8 ans. Alors que nous nous démarrons un travail de grande qualité à partir de 16 ou 17 ans. Le travail n’est pas suffisant en terme de temps. Un enfant qui démarre à l'âge de huit ans, qui a appris les gestes techniques, il peut les réaliser avec tranquillité et assurance. C'est ce qui donne cette impression de fluidité dans le rugby néozélandais. Nous, on essaie de rattraper le temps perdu. On ne va pas copier les Neozelandais, mais s'en inspirer. Je veux aussi regarder du côté du rugby argentin. J'ai entendu que les Argentins on surprit. Moi, depuis 20 ans ils ne me surprennent plus. J’ai vu son évolution. Ce rugby m'inspire et je veux tendre vers ça. Ils ont fait un travail sérieux depuis plus de 15 ans et ils en récoltent les fruits aujourd'hui. Je parle ici de contenu de jeu. Ils ont basculé dans un rugby de mouvement et ils ressortent du terrain en ayant tout donné. Ce rugby-là était pourtant notre marque de fabrique auparavant ?Oui et c'était suffisant pour rivaliser dans un rugby qui n'était pas professionnel. Nous sommes restés sur ce que nous faisions à l'époque et nous sommes dépassés. Le vrai problème, c’est pourquoi un jeune joueur de 18 ou 19 ans n’intègre pas le rugby pro en France ? J'entends dire qu'il faut imposer les jeunes dans le haut niveau. Mais on ne peut pas le faire s'ils ne sont pas les meilleurs. Ils ne peuvent pas rivaliser avec les étrangers de haut niveau. La vraie question c'est quand les jeunes joueurs arrivent au haut niveau, comment faire pour leur donner les moyens pour jouer ? Il faut leur donner les moyens pour travailler et progresser. Il faut qu'ils arrivent en ayant 18/20 et pas 14/20. À ce moment-là, les présidents de clubs n'iront plus chercher des joueurs étrangers.

"Au fond de moi, je me dis que pendant la guerre, les gens qui défendaient la France, qu'ils soient Français ou étranger et quelques soit la couleur de leur peau, on était très content de les avoir"

Concernant les joueurs d'origine étrangère, quelle sera ta position ? Marc Lievremont avait fait le choix de ne jamais en sélectionner alors que Philippe Saint-André en a sélectionné quelques-uns, quel sera ton sentiment ?Honnêtement, pour le moment nous sommes plutôt sur les formes de jeu que sur la sélection des joueurs. Au fond de moi, je me dis que pendant la guerre, les gens qui défendaient la France, qu'ils soient Français ou étranger et quelques soit la couleur de leur peau, on était très content de les avoir. Si jamais un joueur est le meilleur et qu'il remplit les conditions, je ne vois pas pourquoi la France s'en priverait alors que la majorité des autres nations ne s'en privent pas. Comment vois-tu ta relation avec les entraîneurs de clubs ? Je la connais. Je sais très bien que l'on reçoit un sélectionneur avec respect, mais que l'on est très embêté quand il nous prend des joueurs. Je ne me fais pas d'illusions là-dessus. J'ai des relations très fortes et intelligentes avec un certain nombre d'entraîneurs. Je vais faire en sorte qu'il en soit de même avec l'ensemble des entraîneurs.

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