Husamettin Dogan est-il un violeur, comme le soutient Gisèle Pelicot ? Ou a-t-il été victime d'une machination de Dominique Pelicot ? La cour d'assises du Gard tranche jeudi sur le sort de l'unique accusé des viols de Mazan à avoir maintenu l'appel de sa condamnation.
A l'issue de quatre jours d'audience à Nîmes, cet ancien ouvrier de 44 ans au parcours socioprofessionnel chaotique, condamné en première instance à neuf ans de prison pour "viols aggravés", risque jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.
Une peine cependant peu probable car elle le mettrait sur le même pied que Dominique Pelicot, chef d'orchestre d'une décennie de viols commis sur sa désormais ex-épouse Gisèle, qui avait reçu la peine maximale l'an dernier à Avignon.
Les 49 autres condamnés avaient écopé de peines allant de trois ans de prison, dont deux avec sursis, à 15 ans pour un homme venu à six reprises au domicile du couple à Mazan (Vaucluse).
C'est là que Dominique Pelicot droguait celle qui est devenue un symbole mondial des violences sexuelles faites aux femmes, avant de la livrer à des inconnus recrutés sur internet.
"La peine est à revoir", a plaidé mercredi Antoine Camus, l'un des avocats de Gisèle Pelicot. "Une victime endormie, on n'y touche pas."
Et d'ajouter: "Après le parcours du combattant mené par Gisèle Pelicot, on espère que ce jury dira haut et fort qu'en France, les droits de l'homme sont aussi ceux de la femme, que le consentement ne se recueille pas auprès du mari, qu'un acte sexuel imposé à un corps endormi est un viol".
- Testament pour les générations futures -
Contrairement à la cour criminelle de Vaucluse, composée de cinq juges professionnels, c'est un jury populaire de cinq hommes et quatre femmes, épaulés par trois magistrats, qui rendra sa décision, attendue dans l'après-midi.

Gisèle Pelicot, à gauche, son fils Florian, au centre, et l'un de leurs avocats Antoine Camus, à droite, le 7 octobre 2025 à la cour d'appel de Nîmes, dans le Gard
Christophe Simon - AFP
Avant cela, ils auront écouté le réquisitoire de l'avocat général, Dominique Sié.
A Avignon, l'accusation avait réclamé contre M. Dogan une peine de 12 ans de réclusion.
Dans un réquisitoire remarqué, qui portait alors sur l'ensemble des accusés, une représentante du ministère public, Laure Chabaud, avait estimé que le verdict devait constituer un "testament pour les générations futures" et rendre "une part de son humanité volée à Gisèle Pelicot".
Un message qu'a fait sien Mme Pelicot, appelant à la barre mercredi à ce "que les victimes n'aient jamais honte de ce qu'on leur a imposé par la force".
- "Jamais eu l'intention" -
La défense tentera ensuite de faire entendre les arguments de l'accusé, qui ressort fragilisé par la diffusion à l'audience de vidéos où on le voit se livrer à des pénétrations sexuelles sur une Gisèle Pelicot réduite à un état qu'elle a elle-même comparé à une "anesthésie générale".
Depuis son interpellation en 2021, deux ans après les faits, lors du procès d'Avignon comme devant la cour d'assises de Nîmes, Husamettin Dogan soutient qu'il n'a "jamais eu l'intention" de violer Mme Pelicot et pensait participer au jeu consenti d'un couple libertin.

Gisèle Pelicot le 8 octobre 2025 à la sortie de la cour d'appel de Nîmes, dans le Gard
Christophe Simon - AFP
L'une de ses avocates, Sylvie Menvielle, l'a amené sur ce terrain: "Vous aviez conscience de commettre un viol ?"
"S'il m'avait dit +Viens, je vais te filmer, on va la violer+, je serais jamais allé là-bas !", lui a-t-il répondu, répétant à l'envi être victime d'une manipulation "inimaginable".
Ses conseils ont fait diffuser à l'audience trois photos montrant une femme ressemblant à Gisèle Pelicot avoir des rapports sexuels avec trois hommes, dont Dominique Pelicot. Images, ont-ils suggéré, qui ont pu servir "d'appât" et contribuer à faire croire à M. Dogan qu'il allait participer à une soirée libertine.
Une argumentation balayée l'an dernier par la cour criminelle dans son jugement condamnant tous les accusés, estimant que "chacun était en mesure d'appréhender à sa juste mesure la situation à laquelle il se trouvait confronté lorsqu'il abordait le corps inerte de Gisèle Pelicot".
Gisèle Pelicot l'a redit à sa manière mercredi à l'accusé: "A quel moment je vous ai donné le consentement ? Jamais !".
Par David COURBET et Philippe SIUBERSKI / Nîmes (AFP) / © 2025 AFP