Nouveau surcoût pour "le chantier du siècle" de la relance du nucléaire : le géant électricien EDF a revu en hausse la facture prévisionnelle du programme de 6 réacteurs EPR2, qui a enflé de 40% par rapport à l'estimation initiale.
A 72,8 milliards d'euros, ce nouveau chiffrage consolidé, hors coût de financement, représente une hausse de près de 8% par rapport à une précédente estimation datant de fin 2023, qui atteignait alors 67,4 milliards d'euros.
Au final, depuis l'estimation initiale de 51,7 milliards d'euros publiée en 2022, le coût du programme aura donc flambé d'environ 40%.
Le programme de relance nucléaire annoncé en 2022 par Emmanuel Macron prévoit la construction de 6 réacteurs de nouvelle génération dits EPR2, construits en trois paires, à Penly, Gravelines puis au Bugey.
Lors d'un point presse, EDF, entreprise publique détenue à 100% par l'Etat, a toutefois précisé que ce nouveau chiffrage, fruit d'un an de travaux, "avait déjà été défini comme étant le plafond" lors de discussions avec l'Etat sur le financement en juin dernier.
Le groupe espère toutefois faire moins que ce "plafond" de 73 milliards d'euros annoncé, grâce à des pistes d'économies et d'optimisations identifiées.
Avec ce "chantier du siècle", l'objectif est clair pour EDF: faire oublier les déboires passés de ses précédents projets de construction d'EPR marqués par des dérapages de coûts et de calendrier. Parfois qualifié de "chantier maudit", l'EPR de Flamanville a été raccordé au réseau électrique en décembre 2024 avec 12 ans de retard, en raison d'une série d'aléas techniques et d'une perte de compétences dans la filière nucléaire, qui ont fait flamber la facture.
Mais dans une interview au Figaro le PDG d'EDF Bernard Fontana assure que l'entreprise à "tiré les leçons du passé", et saura tenir "les coûts et les délais", comme "nos anciens l’ont fait", au temps de la construction du parc nucléaire historique dans les années 70 et 80.
"Le montant total du devis est aligné avec l’enveloppe globale telle qu’elle avait été travaillée avec l’État", a pour sa part commenté Bercy, y voyant "le signe qu’EDF commence à avoir plus de visibilité dans son chiffrage".
Cette nouvelle addition tient compte d'un "niveau de provisions pour risques", destinées à couvrir les aléas, "qui a augmenté", a expliqué Xavier Gruz, directeur exécutif chargé de la maîtrise d'ouvrage du nouveau nucléaire.
"On vise vraiment aujourd'hui à démontrer que le programme va être mis sous contrôle et qu'il va être suivi", a-t-il assuré.
Pour forger son nouveau devis, l'entreprise a pris en compte trois facteurs principaux: le retour d'expérience des autres chantiers d'EPR d'EDF, à Flamanville en France et de Hinkley Point au Royaume-Uni; la réduction des délais de construction grâce à un "effort d'optimisation", et une "coopération" renforcée avec la filière industrielle.
- Oublier les déboires passés -
Sur le calendrier, le groupe a en tout cas confirmé viser une mise en service du premier des six réacteurs, à Penly (Seine-Maritime), en 2038 (au lieu initialement de 2035-2037), avec un cadencement de 12 à 18 mois pour la mise en service des suivants.
Mais d'ici-là, de nombreuses étapes restent à franchir.
Opérareur de la salle de contrôle de l'EPR de Flamanville, dans la Manche, le 14 janvier 2022
Sameer Al-DOUMY - AFP/Archives
La première sera de soumettre le devis à un audit de l'Etat "au premier trimestre 2026", et ce dès le 12 janvier, a précisé EDF.
"La Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN) va en effet effectuer un audit approfondi et formuler ses remarques dans les prochaines semaines à EDF" avec "l'objectif (...) d’obtenir d’ici fin mars un devis partagé par État et EDF et sur lequel les deux parties s’engagent", a déclaré Bercy.
"Notre objectif commun, c'est de se mettre en ligne pour une décision finale d'investissement qui devrait être prise à la fin de l'année 2026", étape clé pour lancer effectivement le premier chantier à Penly, a précisé Xavier Gruz.
Avant cela, il faudra préalablement le feu vert de la Commission européenne, saisie le 19 novembre, de l'examen de la "demande d'autorisation de l'aide d'Etat".
Le modèle de financement du programme prévoit en effet un prêt avantageux de l'Etat finançant 60% des coûts de construction. Par la suite, les recettes d'EDF seront sécurisées par le biais d'un contrat à prix garanti par l'Etat sur 40 ans, permettant notamment de rembourser le prêt.
Par Nathalie ALONSO, Nicolas GUBERT / Paris (France) (AFP) / © 2025 AFP