Les cornes de brume ont résonné, vendredi à Nice, à la clôture du sommet de l'ONU sur l'océan, marqué par une avancée vers une meilleure protection de la haute mer et un ton plus ferme sur l'exploitation des abysses, menacés par les projets de Donald Trump.
Avec la participation record de 64 chefs d’État, cette troisième conférence des Nations unies sur les océans (Unoc) a toutefois échoué à lever des fonds pour les pays pauvres et a fait l'impasse sur la question centrale des énergies fossiles.
"L'Unoc nous a rappelé que la coopération est encore possible", a souligné Laurence Tubiana, architecte de l'accord de Paris sur le climat. Mais "aucun communiqué n'a jamais refroidi une canicule marine", a-t-elle prévenu.
- Un élan en haute mer -
La ratification du traité sur la haute mer par 50 pays, actée dès lundi, a été unanimement saluée. Seuls dix pays manquent à l'appel pour une entrée en vigueur rapide de cet accord international destiné à mieux protéger les eaux internationales, soit la moitié de la planète.
Ce "véritable élan mondial" en faveur du traité "est une étape décisive pour la protection des océans", a vanté Johannes Müller, de l'ONG OceanCare.
La première conférence des parties (COP) sur la haute mer pourrait avoir lieu dès l'automne 2026, selon l'ambassadeur français pour les océans Olivier Poivre d'Arvor.
- Les abysses divisent -
Dès l'ouverture du sommet, les dirigeants de la planète ont durci le ton face à la décision des États-Unis (absents à Nice) de se lancer unilatéralement dans l'exploitation des "nodules" polymétalliques dans les eaux internationales.
Une décision qualifiée de "folie" et d'action "prédatrice" par le président français Emmanuel Macron, tandis que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, mettait en garde contre un nouveau "Far West".

L'exploitation minière des fonds marins
Jonathan WALTER, Paz PIZARRO, Laurence SAUBADU - AFP
Cette rhétorique inédite n'a pas débouché sur un élargissement sensible de la coalition pour un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. Elle est passée de 32 à 37 pays seulement, sur les 169 États membres de l'AIFM, l'autorité onusienne chargée de fixer les règles d'exploitation.
"Un code minier doit être approuvé à l'unanimité et, avec 37 pays, on va bloquer", a affirmé vendredi M. Poivre d'Arvor, un mois avant la prochaine réunion de l'AIFM en Jamaïque.
- Aires (mieux) protégées -

Les aires marines protégées dans le monde
Ioana PLESEA, Valentina BRESCHI - AFP
De la Colombie aux Samoa, en passant par le Portugal ou la Grèce, 14 pays ont annoncé la création d'aires marines protégées (AMP), les portant à plus de 10% de la surface des océans, contre 8,4% avant le sommet.
D'autres ont renforcé la protection des aires existantes, notamment en y interdisant le chalutage de fond. La faiblesse des annonces de la France, avec une limitation du chalutage de fond sur 4% seulement des eaux de l'Hexagone, a déçu les ONG.
Il va falloir "faire la course" pour atteindre l'objectif de 30% de protection en 2030 au niveau mondial, et créer 85 nouvelles zones protégées par jour, a prévenu Enric Sala, explorateur de la National Geographic Society.
- Silence fossile -

Le ministre du Changement climatique du Vanuatu, Ralph Regenvanu, à Nice le 9 juin 2025
Ludovic MARIN - AFP/Archives
Responsables du réchauffement et de l'acidification de l'océan, gaz, pétrole et charbon ont été les grands absents de cette conférence, pourtant dédiée à la protection de la vie marine.
"Ignorer l'impératif de sortir du pétrole et du gaz offshore n'est pas seulement une injustice: c'est inadmissible", a critiqué Bruna Campos, de l'ONG Ciel.
La déclaration finale de Nice, adoptée vendredi, ne fait pas mention de ces énergies carbonées, et encore moins d'une "transition" vers leur abandon, comme lors de la COP28 de Dubaï en 2023.
"Il est impossible de protéger les océans sans s'attaquer à la principale cause de leur effondrement: la pollution due aux combustibles fossiles injectés sans relâche dans l'atmosphère", a remarqué l'émissaire américain pour le climat John Kerry, présent à Nice.
- Fossé financier -
Les pays pauvres n'ont pas vu la couleur des 100 milliards de dollars de financement, évoqués par le Costa Rica avant le sommet. Les seuls engagements pris, principalement par des philanthropes privés, ont porté sur 8,7 milliards d’euros sur cinq ans.
"Le fossé est énorme. Nous avons besoin de 175 milliards de dollars (153 milliards d'euros) par an. Or, au cours des cinq dernières années, seuls 10 milliards ont été mobilisés", a commenté Li Junhua, sous-secrétaire général de l'ONU vendredi.
Par Antoine AGASSE / Nice (AFP) / © 2025 AFP