Après Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, un troisième quartier de haute sécurité sera construit d'ici 2028 dans la prison qui doit sortir de terre à l'entrée de la ville de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, territoire gangréné par le narcotrafic et où règne une forte surpopulation carcérale.
En déplacement en Guyane, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé samedi la création de ce quartier au sein de la prison de 500 places attendue dans la deuxième ville la plus peuplée de la collectivité territoriale ultramarine.
Ce nouveau centre pénitentiaire, qui vise à répondre à la surpopulation de l'établissement pénitentiaire de Rémire-Montjoly, près de Cayenne, s'inscrit dans le cadre du projet de cité judiciaire prévu par le plan d’urgence des accords de Guyane signés en avril 2017.
Cette cité doit aussi comprendre un tribunal judiciaire, un service pénitentiaire d’insertion et de probation ainsi que des locaux de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
"J’ai décidé d’implanter en Guyane la troisième prison de haute sécurité de France. Soixante places, un régime carcéral extrêmement strict, et un objectif : mettre hors d’état de nuire les profils les plus dangereux du narcotrafic", a déclaré le ministre au JDD.
"Quinze places" seront également "dédiées aux islamistes/radicalisés" condamnés pour terrorisme jihadiste, a confirmé son cabinet à l'AFP.

Le ministre français de la Justice Gérald Darmanin (3e g) arrive à l'inauguration du centre éducatif fermé de Montsinéry-Tonnegrande, en Guyane, le 17 mai 2025
Ronan LIETAR - AFP
"Ma stratégie est simple: frapper la criminalité organisée à tous les niveaux. Ici, au début du chemin de la drogue. En métropole, en neutralisant les têtes de réseau. Et jusqu'aux consommateurs. Cette prison sera un verrou dans la guerre contre le narcotrafic", a ajouté Gérald Darmanin.
Le garde des Sceaux, qui a fait de la lutte contre le trafic de drogue sa priorité, souhaite que cette prison "serve à éloigner durablement les têtes de réseau du narcotrafic", dans la mesure où "ils ne pourront plus avoir aucun contact avec leurs filières criminelles".
Selon le JDD, le permis de construire de ce bâtiment situé sur un terrain de plusieurs dizaines d'hectares sur la RN1, qui relie la ville à Cayenne, et d'un coût de 400 millions d'euros, est en passe d'être signé.
- "Narco-département" -
Ce nouveau quartier de haute sécurité est le troisième annoncé par Gérald Darmanin, après le choix en mars des centres pénitentiaires de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et de Condé-sur-Sarthe (Orne), pour accueillir les premiers quartiers de lutte contre la criminalité organisée, où seront transférés les détenus considérés comme étant les plus redoutables.
Il souhaite isoler d'ici à l'été les "cent plus gros narcotrafiquants" afin de les empêcher de poursuivre leur activité criminelle depuis leur cellule.
Or la Guyane est devenue "un narco-département et un des principaux hubs" du trafic de cocaïne, selon une source interrogée par l'AFP en 2023. Au moins 20% de la cocaïne consommée en métropole en provient.

Un douanier français scanne le bagage d'un passager se rendant à Paris à l'aéroport international Félix-Eboué de Cayenne, le 24 mars 2024
Ludovic MARIN - AFP/Archives
Chaque année, des centaines de "mules" sont arrêtées à l'aéroport de Cayenne, les bagages ou l'estomac lestés de cocaïne sud-américaine.
Les autorités estiment qu'une trentaine parviennent à embarquer sur chacun des vols quotidiens entre la Guyane et la métropole.
Pour en faire passer toujours plus, les réseaux disposent d'une main-d'œuvre abondante en exploitant l'extrême pauvreté de plus de la moitié de la population et des clandestins arrivés du Suriname voisin.
Le cœur du trafic bat à Saint-Laurent du Maroni, cerné par le fleuve qui sépare la Guyane du Suriname sur 500 km. Faute d'école ou d'emploi, beaucoup de ses 50.000 habitants cèdent souvent à l'argent facile de la "coke".
La Guyane accuse également un fort retard en termes d'équipements publics et enregistre une forte surpopulation carcérale, avec une densité de 134,7%, selon les chiffres du ministère de la Justice au 1er juin 2024.
En 2024, un ancien détenu de la prison de Rémire-Montjoly a fait condamner l'Etat à lui verser plus de 20.000 euros pour avoir vécu dans un espace individuel de moins de 3 m2.
"Créer une prison supplémentaire de haute sécurité, (...) on en a besoin, on a un narcotrafic (...) qui prend sa racine pas seulement dans l'Hexagone mais par des flux internationaux dont certains passent par l'Amérique du Sud, par la Guyane", a réagi sur Franceinfo le Haut-commissaire au Plan Clément Beaune dimanche.
Interrogée sur BFMTV, Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, s'est montrée plus critique: "Oui il faut des services publics en Guyane mais je ne pense pas que la priorité était ce projet de prison". "La symbolique qui consiste à installer en Guyane une prison pour des non-Guyanais et +les plus dangereux+ est extrêmement problématique parce qu'on voit bien la référence historique au bagne de Cayenne", a-t-elle déploré.
Par Hélène DUVIGNEAU / Paris (AFP) / © 2025 AFP