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Le fils d'un tirailleur sénégalais tué lors du massacre de Thiaroye porte plainte contre la France

L'unique descendant connu d'un groupe de tirailleurs, massacrés à leur retour de la Seconde Guerre mondiale par l'armée coloniale française en 1944 à Thiaroye, au Sénégal, a déposé plainte mardi contre l'Etat français, pour qu'enfin il "paie" après cet "acte criminel et ignoble".

SEYLLOU - AFP/Archives

L'unique descendant connu d'un groupe de tirailleurs, massacrés à leur retour de la Seconde Guerre mondiale par l'armée coloniale française en 1944 à Thiaroye, au Sénégal, a déposé plainte mardi contre l'Etat français, pour qu'enfin il "paie" après cet "acte criminel et ignoble".

Me Mbaye Dieng, l'avocat du Sénégalais Biram Senghor, seul descendant connu de ces nombreux tirailleurs massacrés, a indiqué mercredi à l'AFP avoir déposé plainte mardi au tribunal judiciaire de Paris contre X et la France pour recel de cadavre.

M. Senghor est l'unique fils de M'Bap Senghor, tué le 1er décembre 1944 alors qu'à son retour d'Europe, il réclamait comme d'autres ses arriérés de soldes pour sa participation à la Seconde Guerre mondiale.

Après le massacre, M'Bap Senghor "a été considéré comme +non rentré+ (disparu) puis déserteur", écrit l'historienne Armelle Mabon dans son ouvrage, "Massacre de Thiaroye. Histoire d'un mensonge d'État", publié en novembre.

Son décès n'a été officiellement reconnu que neuf ans plus tard, en 1953, précise-t-elle.

Biram Senghor, âgé d'au moins 86 ans, et joint mercredi à Diakhao, une bourgade dans le centre-ouest du Sénégal, où il réside, a raconté à l'AFP qu'il "ne sait pas où (son père) est inhumé, au cimetière ou au camp de Thiaroye".

Le cimetière où sont enterrés les tirailleurs sénégalais du camp de Thiaroye tués le 1er décembre 1944 par l'armée coloniale française, le 26 novembre 2024 à Thiaroye, près de Dakar

Le cimetière où sont enterrés les tirailleurs sénégalais du camp de Thiaroye tués le 1er décembre 1944 par l'armée coloniale française, le 26 novembre 2024 à Thiaroye, près de Dakar

SEYLLOU - AFP/Archives

"Je n'en sais rien. La France sait où se trouve le corps, le ministère des Anciens combattants sait où sont inhumés les tirailleurs", a-t-il affirmé, reprochant à la France de cacher la vérité.

"Ils font traîner cette affaire pour que je meure et qu'elle soit classée", a ajouté M. Senghor.

Dénonçant "300 ans de domination coloniale" et d'"exploitation", il se désole que la France "refuse maintenant de payer (leur dû) à une poignée de soldats (coloniaux africains) qui ont remis sur les rails de la liberté la France que l'Allemagne avait occupée" lors de la Seconde Guerre mondiale.

"Ça fait plus de 80 ans qu'elle refuse de payer (une indemnisation) après son acte criminel et ignoble. Qu'elle me paie", a-t-il insisté.

- "Obstruction" -

Les autorités françaises de l'époque avaient admis la mort d'au moins 35 personnes.

Mais plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé, jusqu'à 400. L'endroit où reposent les soldats tombés n'a jamais été précisément révélé.

Biram Senghor, fils d'un tirailleur sénégalais tué par l'armée coloniale française en 1944 à Thiaroye, sur la terrasse de sa maison de Diakhao, le 22 novembre 2024 au Sénégal

Biram Senghor, fils d'un tirailleur sénégalais tué par l'armée coloniale française en 1944 à Thiaroye, sur la terrasse de sa maison de Diakhao, le 22 novembre 2024 au Sénégal

SEYLLOU - AFP/Archives

Depuis, parmi les tirailleurs exécutés, six ont été reconnus en juillet 2024 "morts pour la France", une liste qui "pourra être complétée dès lors que l'identité exacte d'autres victimes aura pu être établie", selon le secrétariat d'État français chargé des Anciens combattants et de la Mémoire.

Parmi eux, quatre étaient Sénégalais, dont M'Bap Senghor.

Pour Me Dieng, "pendant un temps, on a menti à sa famille, on a fait croire que M. Senghor père était un déserteur, qu'il n'était pas mort à Thiaroye, et ensuite on a reconnu qu'il l'était".

"On ne sait pas où se trouvent les tirailleurs" et "cette situation fait tomber les responsables de la gestion de ce dossier sous le coup de l'article 434-7 du code pénal français, qui punit toute personne qui cache le cadavre d'une personne décédée des suites d'une violence", a poursuivi le conseil.

"La France est partie avec toutes les archives de la période où elle a géré le pays car il y avait des choses à cacher", a-t-il ajouté.

"Nous estimons que les personnes qui ne donnent pas accès aux archives font obstruction. Il faut qu'ils nous disent où se trouve le cadavre", a encore demandé Me Dieng.

Des couronnes de fleurs déposées au cimetière militaire de Thiaroye à l'occasion du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, le 1er décembre 2024 près de Dakar, au Sénégal

Des couronnes de fleurs déposées au cimetière militaire de Thiaroye à l'occasion du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, le 1er décembre 2024 près de Dakar, au Sénégal

JOHN WESSELS - AFP/Archives

Via des fouilles archéologiques inédites menées depuis début mai, des archéologues ont découvert des squelettes humains avec des balles dans le corps dans le cimetière de Thiaroye, a appris l'AFP début juin de source proche du dossier.

Le 19 février, le gouvernement sénégalais avait annoncé ces fouilles pour "la manifestation de toute la vérité".

Il reproche à la France de dissimuler des faits sur ce massacre, en retenant notamment des documents d'archives permettant de connaître le bilan humain.

L'ancien président François Hollande avait pourtant annoncé lors d'une visite fin 2014 avoir "remis une copie de l'intégralité des archives" sur Thiaroye.

"La France a fait tout ce qu'elle devait faire", assurait en décembre une source gouvernementale française, d'après qui "les archives sont ouvertes (Défense, Quai, outre-mer)".

Par Malick ROKHY BA et Guillaume DAUDIN / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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