A trois mois des municipales, l'avenir politique de la dynastie Bompard à Orange et de la députée RN du Vaucluse Marie-France Lorho s'est obscurci jeudi au tribunal judiciaire de Marseille, où des peines d'inéligibilité ont été requises.
Le jugement sera rendu le 26 janvier, à moins de deux mois du premier tour des élections municipales, où Marie-France Lorho, 61 ans, entend se présenter comme numéro deux de la liste Rassemblement national (RN) à Orange, et où Yann Bompard n'a pas fait mystère de candidater à sa succession.
Aujourd'hui adversaires politiques, tenant soigneusement leurs distances pendant l'audience, ces deux figures politiques du Vaucluse ont d'abord fait chemin commun.
Les faits reprochés de détournement et de recel de fonds publics s'étendent de novembre 2021 à février 2023, où Yann Bompard, 39 ans, est accusé d'avoir occupé un emploi fictif de collaborateur parlementaire. Préjudice évalué par l'Assemblée nationale, qui s'est constituée partie civile: 75.000 euros.
Jeudi, la procureure Louise Chrétien a requis des peines de cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire, c'est-à-dire applicables immédiatement, à l'encontre des deux responsables. Des peines de 18 mois de prison avec sursis à l'encontre de Marie-France Lorho, aussi poursuivie pour subornation de témoin, assorti de 10.000 euros d'amende ont également été réclamées. Et pour Yann Bompard, "pour lequel il y a bien eu enrichissement personnel" selon la procureure, 24 mois avec sursis et 15.000 euros d'amende.
Marie-France Lorho au tribunal de Marseille le 17 décembre 2025
Thibaud MORITZ - AFP
"La grande majorité des tâches prévues" pour Yann Bompard "n'étaient pas effectuées", a lancé Louise Chrétien, car "matériellement (...) il manquait de temps pour remplir ses obligations contractuelles".
En cause, ses multiples casquettes de conseiller départemental, président d'intercommunalité, collaborateur parlementaire et, surtout, maire d'Orange depuis fin 2021. Il reprend alors le fauteuil de son père Jacques, condamné pour prise illégale d'intérêt dans son 6e mandat consécutif.
- "Emprise de la famille Bompard" -
"Il n'avait aucune raison d'être payé trois fois pour le même travail", a pointé Louise Chrétien, égrenant des revenus cumulés de 5.400 euros - hors salaire de collaborateur. La veille, l'élu avait répliqué qu'il se rendait à des réunions locales "en tant que tout": "jamais je n'ai senti que je volais l'argent".
L'accusation a surtout insisté sur "la pauvreté des traces retrouvées" de son travail, "une dizaine de mails, une dizaine de SMS". Une situation globalement retracée lors d'une écoute téléphonique où Marie-France Lorho et un autre assistant tentent de couvrir Yann Bompard.
Quant à la députée, selon l'accusation, elle n'a "pas endossé ses responsabilités d'employeur alors qu'elle bénéficiait de l'argent public". Et elle "a mis six mois à imposer à Yann Bompard un contrat à mi-temps, sans prendre aucune mesure disciplinaire", alors qu'elle avait constaté "une baisse de son travail" depuis qu'il était devenu maire.
Cette baisse était concomitante à leur rupture politique actée au printemps 2022, lorsqu'elle avait décidé de couper les ponts avec la Ligue du Sud - le parti fondé par Jacques Bompard - au profit du RN.
Elle était aussi "dans un lien de subordination totalement inversé", et vivait dans "la peur, l'emprise de la famille Bompard".
Autant d'arguments balayés par la défense.
L'exécution provisoire ? "Un instrument à la mode, un déni du droit à se défendre", selon Me Christophe Bass, avocat de Yann Bompard.
Son travail ? "Des traces, vous en avez", même si "la masse silencieuse" de son activité "n'en laisse pas: son expérience du terrain, son apport, précieux", pour ce "profil inégalé".
Les craintes de "représailles du camp Bompard", avancées par Marie-France Lorho pour avoir tardé à se séparer de Yann ? "Du vent !".
Au fond, explique Me Bass, "vous lui reprochez le temps qu'il a mis à comprendre qu'elle ne voulait plus de lui".
L'avocat de Marie-France Lorho, Me Guillaume De Palma, a lui aussi défendu "la grande autonomie, bannie des réquisitions" dont jouissait Yann Bompard: "son bureau, c'était la rue !".
Quant à sa cliente, elle a bien "pris la mesure" de la baisse d'activité de Yann Bompard, le passant à mi-temps. Tout au plus, aurait-elle fait preuve de "négligence" par manque d'expérience.
Par Renaud LAVERGNE / Marseille (AFP) / © 2025 AFP