Théorisée par Orwell dans son livre 1984, la novlangue voit la définition de certains mots évoluer au nom d'idées ou d'intérêts politiques. Jean-Paul Fitoussi en décrypte le sens.
Une réécriture de l'histoire
Dans l'actualité récente, les atteintes aux statues ou la demande de débaptiser certaines rues montrent "une tentation de réécrire à la fois le dictionnaire et l'histoire", regrette l'économiste. "Ça va ensemble", souligne Jean-Paul Fitoussi pour qui "la langue est porteuse de l'histoire". "La victimisation, c'est la considération de notre société comme un groupe de clubs victimes. Tous sont victimes et demandent qu'on arrache une plaque, débaptise une rue, abatte une statue", remarque-t-il.
Une pratique "totalement générale" qui s'est illustrée au moment où le gouvernement déconseillait le port du masque, "parce qu'il n'y en avait pas". "Je peux me considérer comme une victime de son ignorance", s'amuse à dire l'invité qui voit "un alibi généralisé que chacun utilise et qui parfois va trop loin". Trop loin lorsque "ces mouvements victimaires portent de la violence, de la ségrégation, du racisme et de la haine de l'autre", estime Jean-Paul Fitoussi.
Une novlangue économique
Le secteur économique n'est pas non plus épargné par l'apparition de nouveaux mots. "Il y a vingt ans, quand on parlait du salaire, il y avait le salaire direct et indirect", compare l'économiste qui explique que "le direct était perçu par le salarié et l'indirect était le salaire différé qui allait rendre service aux salariés (assurance maladie, assurance chômage, retraite)". Des biens qui faisaient partie du panier de dépenses de toute façon des salariés.
Désormais, le salaire direct est devenu le salaire net, et l'indirect "s'appelle désormais les charges sociales". "Ça a une connotation complètement différente", souligne Jean-Paul Fitoussi qui voit le changement de définition. "Ce n'est plus partie intégrante de l'amélioration des conditions salariales c'est au contraire ce qui pèse sur les salariés", explique-t-il. Ce qui à la base faisait partie du panier des salariés devient "une charge qui convient de diminuer allègrement, en réalité en diminuant le salaire global, qui est la somme des deux", remarque l'économiste. "On fait plaisir aux entreprises. Au lieu de réduire les charges sociales, on réduit au final le salaire des salariés", note-t-il.
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