Insultes, menages, agressions... Le chiffre révélé par l'Éducation nationale est effrayant. 700 000 élèves, soit un sur dix, seraient harcelé à l'école ou sur les réseaux sociaux.
En cette journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, Eva s'est confiée au micro de Mathilde Choin pour Sud Radio.
Un certain 14 février, en plein milieu de son année de 4e, Eva commence à sortir avec un garçon de son collège. "15 jours après, il a commencé à me toucher, raconte-t-elle. Sans que je le veuille. Même si je lui disais non, il continuait."
Ce n'était même plus un appel à l'aide, je voulais vraiment en terminer
Et là, c’est l’engrenage, le début d’un long téléphone arabe : "Tout le monde m’insultait de pute, disait que j’étais une fille facile, que j’avais couché avec ce garçon. Avec les rumeurs, j’avais les notes qui ne suivaient pas non plus. Je n’étais pas très bonne de base, mais là, c’était vraiment une catastrophe. La perte de mon grand-père aussi… Tout s’enchaînait autour de moi."
Jusqu’au 24 mars 2014. Toute seule chez elle après l’école, l’adolescente finit par descendre au sous-sol et réussit à trouver la carabine de son père. "Ce n’était même plus un appel à l’aide. Je voulais vraiment en terminer. Je voulais terminer ma vie. Je ne sais pas comment, mais j’ai appuyé sur la gachette et la balle est partie."
Les harcelés sont les personnes qu'on va le plus isoler et les harceleurs, on ne va rien leur dire
Eva se retrouve hospitalisée pendant deux mois. Elle se bat et finit par retourner à l’école.
Alors qu’il y a 4 ans, personne ou presque n’a vu son mal-être, elle aimerait aujourd’hui plus de vigilance de la part des professeurs : "Il faut vraiment qu’il y ait un suivi par les professeurs. Les harcelés sont les personnes qu’on va le plus isoler et les harceleurs, on ne va rien leur dire. Même eux devraient être suivis, quelque part. Pourquoi ils font ça ? Il ne faut pas juste leur donner des heures de colle, ça ne servirait à rien."
Pour que son histoire serve, Eva demande aussi à témoigner auprès des collégiens et des lycéens, pour ne plus que ça se reproduise.
Ce qui m'a manqué, c'est du soutien. Il faudrait que les professeurs soient plus empathiques envers leurs élèves.
C'est le même sentiment qui a poussé Mathilde à témoigner au micro de Sud Radio. Âgée de 20 ans aujourd’hui, elle a été victime de harcèlement pendant quasiment toute sa scolarité. Elle se rendra d’ailleurs, aujourd’hui, dans son ancien collège, pour témoigner.
"C’est quelque chose de grave, ce qui s’est passé, autant pour moi que pour d’autres, explique-t-elle. Je me dis que si ça peut en aider d’autres, de savoir ce qui se passe, pour qu’ils puissent être aidés, pour repérer les signes, autant le faire. Je me suis retrouvée 4 ou 5 fois à l’hôpital pour tentatives de suicide et ma mère ne comprenait pas pourquoi. Donc si ça peut en aider d’autres, je suis prête à parler sur ce qui m’est arrivé. Ce qui m’a manqué, c’est du soutien. Il faudrait que les professeurs soient plus empathiques envers leurs élèves. Je me suis retrouvée tellement mal et détruite que je ne veux pas que ça arrive à d’autres."
On essaie de confronter les harceleurs à leurs victimes, tout en sachant que ce n'est pas évident, parce que bien souvent, elles veulent plutôt oublier la chose
Laura, elle, est professeure d'anglais dans un collège des Pyrénées-Atlantiques.
Ayant été elle-même victime de harcèlement pendant sa scolarité, elle estime qu'il faut aussi s'occuper de ceux qui harcèlent : "Pourquoi est-ce qu’ils font ça ? Qu’est-ce qui les pousse à faire ça ? Je pense qu’on essaie de guérir au lieu de résoudre le problème. Je ne pense pas qu’on prenne le problème à sa source. Nous, on essaie de les confronter à leurs victimes, tout en sachant que ce n’est pas évident, parce que bien souvent, les victimes ne veulent pas être confrontées et veulent plutôt oublier la chose. Je peux comprendre. Moi-même, ayant été harcelée au collège, la première chose que je voulais faire, c’était oublier, plutôt que d’être confrontée à mes harceleurs. Souvent, aussi, les harceleurs n’ont pas conscience de la gravité de ce qu’ils font vivre à leurs victimes. Et pour leur faire comprendre, c’est extrêmement difficile."
Propos recueillis par Mathilde Choin pour Sud Radio