Malgré son plan de relance nommé PhoenIKKS, la marque de mode IKKS n'est pas parvenue à se redresser et a été placée en redressement judiciaire, une menace pour les quelque 1.000 emplois du groupe dans un contexte de marché morose.
"C'est dommage", réagit auprès de l'AFP Noémie, qui a préféré ne pas donner son nom de famille,en sortant de la boutique IKKS Women Junior du Vieux-Lille où elle a acheté une robe.
"Ce sont ce genre de boutiques qui font vivre le Vieux-Lille", estime-t-elle, en apprenant la procédure qui vise l'enseigne chic et urbaine, pas très fréquentée en ce vendredi après-midi.
Même son de cloche chez Carole, 44 ans, venue de Belgique faire son shopping. C'est "toujours triste (quand) des boutiques ferment", soupire-t-elle, pointant du doigt des vitrines vides du centre-ville où des locaux sont à louer.
A Pauline, 22 ans, cela fera "bizarre" si IKKS ferme à Lille mais l'étudiante dit aussi "comprend[re] que beaucoup de personnes préfèrent acheter des vêtements en ligne".
Jeudi, le tribunal des activités économiques de Paris a placé IKKS en redressement judiciaire et ouvert une période d'observation courant jusqu'en avril 2026. Cette procédure ne concerne que ses activités en France.
"Je vais continuer à venir tant que c’est possible car ce +style un peu rock+ on ne le trouve pas ailleurs. Et surtout hors de question d’aller pour moi sur des sites sur Internet, comme Shein", dit Isabelle Poitevin à l'extérieur d'un magasin IKKS à Bordeaux.
Pareil pour Clara, 30 ans, qui travaille dans le médical :"Toutes nos marques françaises sont en difficulté les unes après les autres. Ici, ce n’est pas donné (...) mais les pièces, on les garde longtemps".
Pourtant, "une des difficultés (pour IKKS), c'est que les collections ne plaisent pas", tranche auprès de l'AFP Lahouari Boubekeur, secrétaire national de la fédération Services à la CFDT, syndicat majoritaire de l'enseigne.
- "ADN rock" -
En février 2024, l'entreprise avait annoncé un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) prévoyant la suppression de 202 postes en France (sur 1.328) et la fermeture de 77 magasins et corners (sur 604).
"La conjonction de divers facteurs externes tels que la crise sanitaire mondiale due au Covid-19, les conséquences de la guerre en Ukraine où le groupe était fortement implanté, ainsi qu'une inflation persistante, ont fortement impacté l'ensemble du secteur", avait alors motivé l'entreprise.
In fine, 140 emplois avaient été concernés par le PSE car "le jeu du reclassement" avait permis d'en sauver une soixantaine, avait révélé Ludovic Manzon, le président du groupe, à l'AFP.
L'enseigne, en cessation de paiements, déjà en difficulté il y a quelques années, avait obtenu en 2024 de ses créanciers l'abandon des dettes, et de la part de ses investisseurs qu'ils réinjectent des liquidités.
Selon une source proche du dossier à l'AFP, 30 millions d'euros auraient été débloqués pour aider la marque à retrouver sa rentabilité.
"Nous avons signé le PSE sous réserve que la direction revoit les collections", a témoigné M. Boubekeur.
Le syndicaliste souligne l'opacité pour les salariés de la procédure engagée: selon lui, IKKS serait passé par une "prépack cession", une procédure qui consisterait à engager les discussions avec d'éventuels repreneurs de manière discrétionnaire et sous la houlette des mandataires judiciaires, sans avoir à passer par le classique appel d'offres ni à convoquer de CSE (Conseil économique et social).
IKKS, fondée en 1987, est une marque de prêt-à-porter haut de gamme pour femmes, hommes et enfants, avec un "ADN Rock", selon son président.
Avec les marques I.Code, One Step et IKKS, le groupe est présent en France et à l'international avec 600 points de vente et 1.500 collaborateurs dans le monde.
Camaïeu, Kookaï, Gap France, Jennyfer, André, San Marina, Minelli, Comptoir des Cotonniers, Princesse Tam Tam, Kaporal... : IKKS rejoint ainsi la longue liste des entreprises françaises de prêt-à-porter en difficulté.
Difficultés à se positionner sur la vente en ligne pour certaines, elles ont aussi souffert de la pandémie de Covid-19, de l'inflation, et désormais concurrence de la seconde main et de la mode ultra-éphémère.
Par Ornella LAMBERTI avec les bureaux de Lille et Bordeaux / Paris (AFP) / © 2025 AFP