"Le courage a disparu", estime François Bousquet qui pointe "un paradoxe considérable". "Moins il y a de risque, moins on en prend", relève-t-il. "Nos vies ne sont pas dangereuses aujourd'hui", insiste le directeur de la Nouvelle Librairie. Résultat d'une "longévité de la vie, des congés payés, du confort douillet qui est le nôtre", et plus largement encore "la vision du monde dans nos sociétés qui rend impossible le courage", analyse le rédacteur en chef d'Éléments. Une vision du monde "libérale, individualiste, utilitariste qui n'a que faire du courage qui se révèle être un geste suicidaire".
"Si vous ne prenez pas de risque, vous ne donnez aucune chance de réussir"
"L’homme de courage ne relève pas des droits de l’homme mais des devoirs de l'homme", note François Bousquet qui voit en l'homme courageux quelqu'un "qui donne à la société, qui naît débiteur vis-à-vis de la société". "Il veut rembourser quelque chose à la société, les parents, l’histoire, la langue, Dieu…". À l'inverse, "la vision du monde aujourd'hui : on naît avec un droit de créance, où il faut à un moment passer à la caisse", déplore-t-il. "Or, on ne passe pas à la caisse si on naît avec une créance", s'exclame l'auteur. Aujourd'hui, "on s'endette sur le dos des générations passées et des générations futures", estime François Bousquet. "On vit dans un grand rêve du crédit qui est censé ne jamais s’arrêter", lance-t-il.
Nassim Nicholas Taleb, grand auteur libanais écrivait Jouer sa peau. Un livre important pour François Bousquet qui affirme que "si vous ne jouez pas votre peau, si vous ne prenez pas de risque, vous ne donnez aucune chance de réussir". Un appel pour éviter de "se dessécher, de mourir à petit feu". Le juge Falcone disait : "l'homme courageux meurt une fois par jour, le lâche plusieurs fois". Pour le rédacteur en chef de la revue Éléments, "c'est la modernité qui a rendu cette vision du monde impossible". "Nous sommes des êtres rationnels, nous cherchons à gagner le plus de choses en prenant le moins de risques possible", juge-t-il. Une formule qui "fonde la loi de la rentabilité", "l'exact inverse du courage", insiste-t-il.
"Les homosexuels ont perdu certaines choses mais ont gagné en échange un statut"
Les causes sont à chercher "un demi-siècle en arrière". Depuis "les Trente glorieuses, la société de consommation, d'abondance, le prix de la vie a changé de nature, on est désarmé parce qu'on est materné", souligne François Bousquet. "On s'est installé dans une forme de prudence, des formes de discrétion, d'invisibilité et ce n'est pas la bonne stratégie", argumente le journaliste qui appelle "à s'afficher et afficher ses idées".
Un peu comme l'ont fait les homosexuels et leur stratégie "du coming-out", vieille de "150 ans". Alors qu'ils vivaient en France, dans l'un des pays les plus tolérants à leur égard, ils vivaient reclus, "ghettoïsés", "un peu comme la droite radicale, identitaire aujourd'hui", compare-t-il. "Ils ont fait le choix de s'afficher, en prenant des risques, mais ils ont privilégié une forme d'identité qui n'a pas sa place dans l'espace public, c'est du courage", raconte l'auteur, pour qui "cette prise de risque rapporte". "Ils ont perdu certaines choses mais ont gagné en échange un statut. On est passé de la pénalisation de l'homosexualité à l'interdiction de l'homophobie". François Bousquet somme de ne "surtout pas reculer sur cette question du courage".
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