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Elisabeth Levy: "La filiation sans père, une révolution anthropologique"

Chronique

Nous sommes obsédés par nos droits. Ils sont notre unique boussole, le seul critère à l’aune duquel nous jugeons nos gouvernants. En font-ils assez pour étendre mes droits et ceux de ma communauté ? Il ne suffit pas en effet, que nos vieux droits, ceux que nous tenons pour acquis, soient respectés : la marche du progrès doit en charrier chaque jour de nouveaux. Nous avons le droit à un enfant autant qu’à une retraite.

C’est peut-être ce tropisme exclusif qui explique les réactions contrastées que suscitent les deux projets-phares de Macron II. Pour la réforme des retraites, alors que le texte n’existe pas et que le gouvernement a prévu une phase de palabres de plusieurs mois, les syndicats sont vent debout, 72 % des Français inquiets et Paris paralysée par une grève préventive. En clair, une partie du pays est prête à la bagarre pour préserver son droit de ne rien changer bien qu’il faille à l’évidence débourser plus pour nos aînés qui ont le culot de vivre plus longtemps.

S’agissant de la PMA pour toutes, en revanche, la messe est dite. Comme le montre votre sondage, 65 % des Français y sont favorables. Certes, les commentateurs annoncent une mobilisation de la droite catholique – du reste, les pratiquants, toutes religions confondues sont les seuls groupes où le refus de la PMA est faiblement majoritaire. Mais il est entendu à l’avance que ce sera un baroud d’honneur de quelques bataillons de réacs angoissés, accrochés à de vieilles lunes comme la reproduction sexuée.

Certes, le peuple s’apprête à trancher par la voix de ses représentants. La raison de l’acceptation de l’opinion, célébrée de toutes parts comme une avancée de la tolérance, n’en est pas moins inquiétante. Alors qu’on brandit le principe de précaution en tout domaine, s’agissant des nouveaux modes de procréation, la seule question qui vaille est encore une fois celle de l’égalité des droits. Puisque mon voisin a des enfants, au nom de quoi n’en aurais-je pas ?

Il ne s’agit pas de contester l’importance de la retraite. Mais, à côté de notre passion pour tout ce qui touche à nos revenus, la légèreté avec laquelle nous congédions un modèle de filiation aussi vieux que l’humanité est sidérante. Deux exemples montrent que nous sommes en train de bricoler avec ce que Levi Strauss appelait les structures élémentaires de la parenté. Une députée LAREM a envisagé de déposer un amendement réservant la PMA aux femmes ayant les moyens d’élever des enfants. Nicole Belloubet a annoncé que deux mères pourraient figurer à l’état-civil. Ce qui revient à institutionnaliser un mensonge : même avec les progrès de la science, un enfant ne peut avoir deux mères. Et au risque de chagriner certains, il faut toujours, pour faire un enfant, un homme et une femme. Même s’ils ne se rencontrent pas.

La filiation sans père (et d’ailleurs, la filiation en solo) constitue sans doute la plus grande révolution anthropologique que l’humanité ait connue. Or, le seul argument que ses partisans opposent à leurs adversaires est : en quoi ça vous dérange, puisque c’est un droit de plus pour nous et que cela ne vous en enlève aucun. En somme, j’aurais le droit de savoir combien mon voisin paie d’impôts, combien il touche de retraite, ou s’il louche sur le décolleté de sa secrétaire mais pour définir les règles de la filiation, le statut du père et de la mère, chacun fait ce qui lui plait ? Curieuse façon de faire société.

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