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Élisabeth Lévy - "Il est urgent de lever les restrictions qui flattent nos passions tristes"

Entre voyeurisme malsain, défilé de morale, aseptisation des moeurs et hypocrisie, les qualificatifs ne manquent pas lorsqu'on analyse cette polémique autour des restaurants et dîners clandestins. Par là-même, le débat est tout simplement hystérisé par les restrictions elles-mêmes, dont l'usage en devient usé.

Tous les matins à 8h15, le regard libre d'Elisabeth Lévy dans le Grand Matin Sud Radio.

Vous voulez revenir sur les dîners clandestins ? 

On veut des noms et on en donne. Depuis la diffusion du reportage M6 sur la soirée de Pierre-Jean Chalençon, (et même en réalité depuis le début de l’épidémie), le fond de l’air est à la délation. L’un balance une messe de baptême - bonjour la charité chrétienne soit dit en passant -, l’autre un déjeuner, le troisième un pot chez son voisin de palier. C’est un concours de beauté morale. « Derrière cette porte, des gens s’embrassent sans masque », s’étrangle une journaliste. 

Faute de ministre à dénoncer, Mediapart triomphe. Un ex-ministre en la personne de Brice Hortefeux et un éditorialiste influent ont osé déjeuner ! On agrandit des cartons d’invitation pour prouver que X ou Y en ont croqué. Des élus jurent que jamais ils n’ont commis le crime épouvantable de dîner clandestinement (se dit de tout dîner réunissant des gens ne vivant pas ensemble).

Les journalistes sont à la fois accusateurs et accusés. Ils flattent une opinion qui les déteste. Nous avons droit aux : « Pendant que vous vous faites chier, confinés dans votre 40m² ..!!! Certains bourgeois, ministres et journalistes s'éclatent ! ». C’est là que l'État embraye. Perquisitions, gardes-à-vue, verbalisations. 

Que dirait-on si les puissants festoyaient en toute impunité ? 

Arrêtez avec les puissants qui festoient pendant que les pauvres triment. Déjà, être pauvre ne signifie pas peine-à-jouir. Des pots, des dîners, des fêtes, des réunions de famille, des transgressions en tout genre, il y en a dans tous les milieux, du 9-3 à Neuilly. Je l’avoue, j’ai moi-même fauté (et j’ai aimé ça). La plupart échappent à la surveillance policière. Les malchanceux se font aligner. C’est injuste mais ça n’a pas de sens politique. Et voudriez-vous vivre dans une société de saints ? Rencontrer des gens c’est le boulot des ministres, des journalistes et de beaucoup d’autres. On a pour habitude de se donner rendez-vous au bistrot, ce ne sont pas seulement des lieux de loisirs. Ils sont très importants dans la vie sociale et économique. On est toujours le puissant de quelqu’un.

La morale ? Il est urgent de lever les restrictions. Pas parce qu’elles sont de moins en moins respectées mais parce qu’elles flattent nos passions tristes. Pire, le ressentiment se drape dans le souci du bien commun. Mais sous couvert d’être le gardien de son frère, chacun devient le flic de son prochain.

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