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SNCF : une nouvelle Journée des Dupes, près de 400 ans après Louis XIII et Richelieu

Alors que le gouvernement présente ce mercredi en Conseil des ministres le contenu des ordonnances appeler à réformer la SNCF, ce grand chantier fait l’objet de promesses qui seront difficilement tenables.

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C’est un peu l’équivalent pour la SNCF de ce qu’on appelle dans l’Histoire la Journée des Dupes, ce jour où Richelieu a failli être limogé par Louis XIII. C’est la journée des dupes pour les syndicats, les salariés de la SNCF et les usagers, un peu moins pour le gouvernement.

Au fond, personne n’a su les raisons qui nous ont amené là. On dit l’urgence, mais il n’y a aucune urgence. On dit al dette, mais c’est en grande partie de la dette que l’État a contractée à la SNCF. Et pour la dette, il faut bien comprendre une chose. Si on change le statut de la SNCF pour la faire passer en Société Anonyme, il n’y a plus de garantie automatique de l’État comme elle existe aujourd’hui pour l’Établissement Public Industriel et Commercial (EPIC). Cela veut dire que l’endettement va coûter plus cher ! Il y aura un risque de non-remboursement que les marchés font payer en général.

Tout cela a commencé au moment où, dans les années 1990, on a adopté les directives sur la concurrence (électricité, chemin de fer) en disant qu’on pouvait changer ces monopoles naturels en morcelant les grandes entreprises de service public. Pour la SNCF : le rail d’un côté, les trains de l’autre. Pour l’électricité, le transport électrique, les lignes à haute tension, la distribution, la production, etc.

Ce n’est que l’aboutissement de ces directives qui va se produire aujourd’hui. À un moment donné, il fallait soit dénoncer les engagements européens et ne pas les appliquer, soit les appliquer. Toutes les autres raisons sont totalement ad hoc, avancées pour la circonstance, mais ne tenant pas debout en réalité.

Une journée de dupes à cause des mauvaises raisons donc, mais aussi car les conséquences sont pratiquement déjà inscrites dans l’histoire à venir et viennent télescoper les promesses du gouvernement. Le gouvernement ne peut pas promettre que les lignes secondaires ne seront pas fermées ! Une fois que la SNCF sera une société anonyme, qu’elle ne pourra plus avoir les garanties de l’État et que les missions de service public seront encore plus pesées – c’est déjà en partie le cas – au trébuchet de la concurrence, les lignes seront fermées si la situation de l’entreprise l’exige !

Deuxième promesse : ce ne sera pas privatisé. On avait fait la même chose avec EDF. On peut dire bien sûr que quand on ouvre le capital, on ne privatise pas. En réalité, quand on ouvre un peu le capital, on impose la primauté de la logique financière à l’entreprise. C’est déjà vrai avec l’État aujourd’hui puisque sa mission de service public passe après les questions de rentabilité financière, de déficit, etc. Mais ça va devenir encore plus grand. On l’a vu avec EDF, on le verra aussi à la SNCF !

Surtout, on aura la tentation d’ouvrir le capital de l’entreprise du réseau ferré, celle qui gère les infrastructures. Pourquoi ? Parce que c’est comme une autoroute : il y a des péages, les concurrents viennent payer et ça fait des revenus récurrents. C’est très commode pour l’État quand il cherche absolument de l’argent pour boucler le budget maastrichien à la fin de l’année.

Les promesses ne peuvent pas être faites puisque personne ne sait si elles pourront être tenues. Alors qu’on arrive dans le grand bain de la concurrence, est-ce qu’on peut enfin avoir un débat sur le service public en France et en Europe ?

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