Pierre Dumazeau : "On voit un mélange des genres entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire"
Pour le journaliste Pierre Dumazeau, invité d’André Bercoff le 11 octobre 2018, la République est "un système qui fonctionne de moins en moins bien". En plus, bien qu’Emmanuel Macron se réclame du gaullisme, il serait une erreur de dire que nous sommes toujours dans la Ve République, estime Pierre Dumazeau. "Notre Constitution a été retouchée 24 fois. C’est un système qui a déjà été maintes fois tripatouillé et modifié", a-t-il déclaré.
Pierre Dumazeau porte un jugement sévère sur les 17 premiers mois de la présidence d’Emmanuel Macron. "Au fil des mois, on s’est rendu compte que ce nouveau monde est beaucoup moins nouveau que ce qu’on a voulu nous vendre. C’est plutôt la répétition de l’ancien, moins l’expérience", estime-t-il. "Nos institutions sont-elles aujourd’hui adaptées à la société dans laquelle on vit ? Emmanuel Macron est-il adapté à cette Ve République ? Pour l’instant, on voit que ça a bloqué dans les institutions, on voit qu’il y a un petit mélange des genres entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, comme lorsque Nicole Belloubet, la garde des Sceaux, a pris la défense d’Alexandre Benalla. Ou encore lorsque dans le cadre de cette même affaire, Emmanuel Macron a téléphoné à Gérard Larcher pour lui dire son mécontentement de la commission d’enquête du Sénat. Tout cela fait que, à mon sens, la République ne marche plus", a expliqué Pierre Dumazeau à André Bercoff.
Pierre Dumazeau : "C’est le système qui ralentit la machine"
S’agissant du gouvernement actuel, Pierre Dumazeau a déclaré : "On a essayé des gens qui ont fait 20 ans de Parti socialiste, d’UDF ou de Modem. On a essayé la société civile. Parce que, soi-disant quand on est dans un nouveau monde, quand on est issu de la société civile, on sait faire tourner un ministère. Et bien, ça marche pas ! Oui, il y a des gens compétents, et il faut leur rendre hommage, mais les institutions sont tellement essoufflées. Faire tourner un ministère, c’est tellement administratif !"
"Une décision qui est prise dans un ministère, c’est des tonnes de papiers, c’est des réunions et des signatures. C’est le système qui ralentit la machine. Lorsqu’Emmanuel est arrivé, il a dit : « On va réformer, on va aller vite, parce qu’on a besoin de faire bouger la France ». Je pense qu’après 17 mois, il s’est dit : « Ah ouais ! Faire bouger tout ça, c’est pas si simple ! »", analyse Pierre Dumazeau.
La rupture avec les réalités du terrain est dangereuse
Au cours de cet entretien avec André Bercoff, Pierre Dumazeau a également passé en revue les ministres passés et actuels du gouvernement Philippe. "Il y a eu des erreurs de casting, ces minitres rattrapés par des affaires : Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez, François Bayrou. Et puis il y a des ministres qui n’impriment pas : Jacques Mézard, Stéphane Travert…", estime-t-il. Pour Pierre Dumazeau, la façon de gouverner d’Emmanuel Macron n’attire pas des personnalités politiques expérimentées. "Quand on songe à être ministre, on se demande : mon cabinet, vais-je pouvoir le composer librement, ou y aura-t-il la main de l’Élysée ? Quand je prends une mesure, c’est moi qui vais l’annoncer ou c’est le Président ? Tout cela fait que les vieux routards de la politique ne vont pas aller s’embêter à avoir des blessures d’égo une fois tous les deux mois", a déclaré Pierre Dumazeau à André Bercoff.
Pierre Dumazeau est aussi revenu sur le fossé qui sépare la politique élyséenne des préoccupations des réalités du terrain. "Au gouvernement, depuis quelques mois ils se sont rendu compte de la rupture avec les réalités du terrain. Ils se sont rendu compte qu’avec les municipales qui arrivent en 2020, cette rupture est dangereuse", confie-t-il.
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