Spécialiste des finances, vous critiquez beaucoup ce prélèvement mais en tant qu’ancien patron du budget à Bercy, vous en rêviez quelque part de cette réforme, non ? Cela va simplifier la collecte de l’impôt interroge Patrick Roger. « Nous n’en avons jamais rêvé » répond Eric Woerth : « Nous en avons beaucoup discuté avec Thierry Breton qui a un certain moment voulait le faire mais nous avons mis l’accent sur le processus de mensualisation de l’impôt qui n’était pas aussi avancé que cela il y a 10-15 ans. Nous avons aussi travaillé sur l’impôt par le numérique donc la déclaration en ligne, tous ses sujets qui ont beaucoup facilité la vie après ».
« Après le prélèvement à la source, c’est l’affaire du décalage d’un an « continue Eric Woerth, « Alors, c’est certain que c’est mieux qu’il n’y ait pas de décalage d’un an entre l’impôt et les revenus. Mais ce que nous avons dit est qu’il y avait une autre méthode ! Moi je critique la méthode, la façon de faire le prélèvement à la source. Imputer votre fiche de paie à un moment donné où quand même psychologiquement ce n’est pas rien. Il y a une valeur du travail et elle est sur le net à payer sur votre fiche de paie. On enlève déjà toutes les cotisations sociales et tout le reste et tout d’un coup, on va maintenant enlever l’impôt sur les revenus. Et la prochaine fois, je ne sais pas ce qu’on enlèvera. L’idée était de dire, on peut faire une mensualisation contemporaine, c’est-à-dire sur les revenus de l’année. Le gouvernement n’a pas suivi pour un certain nombre de raisons que je n’explique pas. Il s’est enferré dans cette affaire de prélèvement à la source et je pense que ce n’est pas anodin L’impôt contemporain, en quelque sorte, d’une mensualisation obligatoire, un impôt prélevé directement par le fisc sur le compte en banque du contribuable et calculé en fonction des revenus du mois précédent. Qu’est-ce que ça aurait changé ? Il n’y avait pas les entreprises qui faisaient les intermédiaires. Les entreprises ont autre chose à faire ».
A la question de Patrick Roger : « Emmanuel Macron veut faire des économies à Bercy et reporter le travail sur les entreprises ? » Eric Woerth répond : Je n’ai aucune idée de ce que veut Emmanuel Macron. J’ai l’impression qu’Emmanuel Macron s’est fait forcer la main dans cette affaire. J’ai l’impression qu’il n’a pas bien vu le sujet il y a un an parce que la décision a été prise il y a un an. Il n’y avait pas de feu vert à donner. La décision était prise il y a un an de poursuivre la réforme de Monsieur Hollande. Ils avaient décidé de la reporter. L’administration disait déjà à l’époque qu’il n’ y avait aucun problème technique. On a vu qu’en fait il y avait plein de problèmes techniques ! Et Aujourd’hui, à chaque fois que l’on va vers le final c’est-à-dire le 1er janvier 2019 on annonce des mesures nouvelles. Hier le Premier Ministre a dit ça ne sera 30% sur les crédits d’impôt, ça sera 60%. 15 jours avant, ils avaient dit : Tiens, on s’aperçoit que c’est difficile pour les PME, on va demander aux URSSAFF de le faire. Tous ces sujets montrent une impréparation.
« Pour vous, c’est du bricolage ? » l’interrompt Patrick Roger. « Evidemment qu’il ya du bricolage’ répond le député LR de l’ Oise. « Et maintenant on demande aux entreprises de faire le boulot de l’administration, peut être qu’on économisera des postes dans l’administration mais dans ce cas, ce sont les charges administratives des entreprises qui vont en prendre plein la figure . C’est une drôle d’idée quand on dit qu’on est un gouvernement qui lutte pour la compétitivité. Et puis, je considère que la feuille de paye est le reflet de la valeur de votre travail et qu’elle n’a pas à être amputé d’un impôt aussi important que l’impôt sur le revenu. Une mensualisation contemporaine était possible. C’était une proposition extrêmement possible et concrète réglant le problème ».
« Maintenant c’est fini lui » fait remarquer Patrick Roger . Oui lui répond Eric Woerth : « On pensait d’ailleurs que c’était fini mais c’est le Président de la république qui a remis cela sur la table en jetant a un doute sur sa propre réforme ! En disant je me demande si c’est une bonne idée. C’est lui qui a dit qu’il fallait y aller. Il n’était pas obligé. Ce n’est pas une réforme fiscale, c’est une réforme de la collecte de l’impôt. Quand vous regardez les trois derniers mois, le gouvernement s’est préoccupé à gérer l’affaire Benalla, l’affaire Hulot, il s’est préoccupé de façon législative de la réforme constitutionnelle et il s’est préoccupé du prélèvement à la source rien de tout cela ne règle les problèmes du pays à savoir sa compétitivité, son chômage et sa croissance ».