single.php

Heurts et malheurs du scrutin proportionnel

Emmanuel Macron a promis une dose de proportionnelle. L'exemple allemand montre qu'il faudra être prudent au moment d'ouvrir la boîte de Pandore.

Le continent européen doit faire face à des défis sans précédent et c’est le moment où les coalitions se mettent à pulluler sous fond d’éclatement de l’offre politique. La proportionnelle n'est pas la seule cause, mais aggrave cet éclatement.

On le voit au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie, en Allemagne, avec des coalitions forcées qui sont en train de déchirer les illusions de cette culture du consensus qui faisait tant envie à nos politiciens.

Chaque mode de scrutin a ses avantages et ses inconvénients, c'est comme les impôts. Le scrutin majoritaire creuse les écarts et n’offre pas une Assemblée fidèle de l'opinion. Certains courants politiques qui recueillent un pourcentage de voix important à l'échelle nationale peuvent n'obtenir qu'une toute petite représentation à l'Assemblée, voire pas du tout.

À bon droit, les petits partis crient à l’injustice et dénoncent la non-représentativité du Parlement, mais ce mode de scrutin permet de dégager des majorités plus claires et permet au pays d'être gouverné.

Le scrutin proportionnelle est plus fidèle au poids relatif des partis politiques mais pousse aux coalitions et rend les appareils des partis totalement maîtres du jeu.

La France l’a déjà expérimenté sous la IVe République. L’ère du temps, si favorable à la proportionnelle, nous fait vite oublier un passé pas si lointain et le naufrage des institutions d’alors.

L’expérience des autres pays ne pousse pas à être optimiste sur ce mode de scrutin. L’Espagne, à deux reprises, n'a pas réussi à dégager une majorité. Le gouvernement actuel n'est au pouvoir que parce que le Parti socialiste le laisse gouverner. L’Italie est vouée à la proportionnelle avec son instabilité structurelle et a dû introduire des correctifs tellement elle était ingouvernable.

En Allemagne, la République de Weimar, dans les années 1920, avait un mode de scrutin à la proportionnelle et, dans son impuissance et son incapacité à dégager des majorités, a ouvert la porte au parti nazi.

Le souvenir de cette période terrible a accouché d’un mode de scrutin très compliqué, avec deux bulletins. La moitié du Bundestag est élue au scrutin proportionnelle, l’autre moitié au suffrage uninominal majoritaire. Cela a fonctionné tant qu'il y avait deux grands partis dominants, mais dès lors qu'aucun des grands partis ne pouvait gouverner sans s'allier à l'autre, le système a déraillé.

Deux grandes coalitions successives ont peut-être eu raison de la stabilité allemande, qui paraissait si admirable il n'y a pas si longtemps, ouvrant la voie à une concurrence à droite de la droite de la CDU. Derrière la belle façade de la grande coalition, personne n’était vraiment satisfait. Ceux qui avaient voté à droite trouvaient que ce n'était pas assez à droite. Ceux qui avaient voté à gauche trouvaient que ce n'était pas assez à gauche. On voit le résultat aujourd’hui avec la victoire à la Pyrhus de Merkel.

La situation devient très compliquée. La politique de l’Allemagne va changer et avec la pression des extrêmes, droite et gauche, personne ne sait très bien où on va.

Reste la France. Elle a déjà une sorte de coalition dans le gouvernement et semble s’acheminer vers une dose de proportionnelle. Le président l’a promis. Il ne pourra sans doute pas s’en défaire, tant la pression est forte, mais il faudra y réfléchir à deux fois avant d’ouvrir la boîte de Pandore et prendre ses précautions. Une faible dose, pas plus, si on ne veut pas que la France devienne ingouvernable.

Écoutez la chronique de Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard

 

L'info en continu
22H
21H
20H
19H
18H
17H
Revenir
au direct

À Suivre
/