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François Ruffin : "Cette crise sanitaire est aussi une crise démocratique"

Par La Rédaction

François Ruffin, député La France insoumise de la Somme, était l’invité du “petit déjeuner politique” de Patrick Roger le vendredi 17 avril sur Sud Radio, à retrouver du lundi au vendredi à 7h40.

François Ruffin interviewé par Patrick Roger sur Sud Radio le vendredi 17 avril à 7h40.

C'est par un hommage au chanteur Christophe, décédé dans la nuit que François Ruffin débute cette matinée. "Ceux qui créent des œuvres restent vivants au-delà de leur mort physique", estime-t-il, espérant "qu'un beau jour nous retrouverons les paradis perdus...". En attendant le paradis, une épreuve attend les hommes ici-bas, celle du coronavirus.

 

"Un problème de cohérence"

Si le plan d'urgence pour l'hôpital est en passe d'être appliqué, pour le leader de la France insoumise, "il arrive bien trop tard", rappelant que le premier budget rectificatif prévoyait "0 euro pour l'hôpital et 4 milliards d'euros pour les start-up". Un manque qui a motivé "un tas de cagnottes Leetchi solidaires pour les hôpitaux". Mais selon François Ruffin, tous les voyants ne sont pas encore au vert : "Je vois encore des appels à sac poubelle pour fabriquer des surblouses. Il y a encore toute une série de pénuries dont il ne faut pas en parler au passé parce qu'elles sont toujours présentes", alerte-t-il.

Le discours du président de la République, lundi soir, n'a pas convaincu le parlementaire qui note "un problème de cohérence avec le plan de déconfinement du gouvernement". "On a dit dans un premier temps qu'il fallait confiner les enfants parce qu'ils sont asymptomatiques et qu'ils risquent de faire balader la maladie à travers tout le monde sans qu'on ne puisse le voir. On a dit qu'on va tester. Macron nous dit lundi soir qu'il n'y aura pas de tests pour tout le monde. On va remettre les enfants à l'école, ils vont balader le coronavirus toute la journée !", décrypte-t-il. Pour François Ruffin, il y a "un problème de cohérence sur la stratégie adoptée", insiste-t-il.

"Il faut que les aides soient dirigées"

Les mesures avancées par le gouvernement pour soutenir les victimes collatérales du virus ne suffisent pas à François Ruffin qui espère "un vrai plan d'aide dirigé vers les PME et les TPE, les boulangers, les bouchers, les restaurateurs...". Le député appelle à tout faire pour éviter "que ce soit un tsunami pour les commerçants et artisans". "Il faut que ces aides soient dirigées, on ne doit pas traiter de la même manière une multinationale et un petit artisan du coin !", estime-t-il, invitant à ce que "l'économie ne prime pas sur la santé !".

Mais ce que regrette profondément le député de la Somme, c'est de "ne pas avoir d'emblée miser sur les tests", comparé à l'Allemagne qui "va faire 500.000 tests par jour !", s'exclame-t-il. "Dès le début, on aurait dû tester tout le monde et confiner les positifs", estime François Ruffin. Mais en manque de tests, l'exécutif a préféré "confiner tout le monde comme on faisait au Moyen-âge, ou au XIXe siècle pour le choléra". Une période de confinement qui aurait pu permettre de "développer au maximum nos capacités de tests mais après quatre semaines après le confinement, soit 2 mois après le début de la crise, les laboratoires publics, privés comme vétérinaires n'ont toujours pas été missionnés massivement pour effectuer des tests", déplore-t-il. "Nous avons perdu plusieurs semaines dans notre capacité à tester", s'indigne l'élu.

Une crise peut en cacher une autre

Selon François Ruffin, "cette crise sanitaire est aussi une crise démocratique". "Comment ça se fait que tout le pays est en permanence suspendu aux lèvres d'un seul homme ?", s'interroge-t-il. "Ça pose problème si jamais pour déclencher les laboratoires vétérinaires qui avaient la capacité de faire 150.000 à 300.000 tests par jour, il n'y a pas de commandement et tout doit passer par l'Élysée, au bout d'un moment ça bouchonne !", s'inquiète le député qui rappelle que "le président est humain, et ne peut pas tout gérer tout le temps en période de crise". "Avec son côté jupiterien, il accroît encore ce défaut de la Ve République et veut tout concentrer au même endroit", déplore l'élu. "Les laboratoires vétérinaires ont attendu plus d'un mois pour que ça se déclenche", souligne-t-il.

Mais pas question pour François Ruffin de se joindre au gouvernement. "Tant que la réinvention de Macron passe par des mots et non des actes, jamais je ne participerai à un gouvernement de concorde", répond-t-il. "Il y a des actes faciles à faire, des signes de justice sociale : rétablir un véritable impôt de solidarité sur la fortune par exemple", propose le député de la France insoumise. Peu de chance d'influer la ligne de l'exécutif en cas d'entrée dans le gouvernement. Pour François Ruffin, Emmanuel Macron "a été mis en place par des intérêts économiques qui ne vont pas s'effacer comme ça". Le député prévient d'un ton grave : "Il ne faut pas croire que cette crise amènera à un rassemblement national avec un effacement des dominés et des dominants. On risque de sortir avec un fossé plus fort".  

L'urgence du protectionnisme

Si pour François Ruffin, la relocalisation est une nécessité pour la sortie de la crise, il note toutefois que la ministre de l'Industrie a une vision toute particulière, voire passive de cette politique. "Elle pense que la France a des atouts dans la mondialisation, qu'en ayant des incitations, des aides fiscales, ça va permettre une relocalisation de l'économie", rapporte-t-il sans y croire un instant. "Ça fait trente ans qu'on nous parle comme ça, qu'on nous dit que la mondialisation va se rééquilibrer, ce n'est pas vrai !", réagit-il.

Le député de la Somme le répète, "si on veut de la relocalisation, il faut du protectionnisme !". Et cela passe par "des barrières douanières, des taxes aux frontières, des quotas d'importation", explique-t-il. François Ruffin appelle à la mise en place de "ces outils qui ont fait leurs preuves pendant des décennies d'une capacité à tempérer la folie des marchés". "Dans le logiciel libéral de Macron, c'est impensable et pourtant il va falloir en passer par là", regrette-t-il, signifiant qu'il faudra "raturer des clauses à l'OMC, dans les traités européens. Si on ne fait pas ça, on n'aura pas de relocalisation".

Alors qu'Emmanuel Macron a émis quelques critiques sur la gestion de la crise par les autorités chinoises, François Ruffin invite le président à "regarder la poutre qu'on a dans l'œil plutôt que la paille dans l'œil du voisin". "La Chine ayant géré la crise en premier, on aurait pu en tirer des leçons dans la manière où elle, la Corée du Sud ou l'Allemagne gèrent cette crise, plutôt que d'aller chercher la paille dans leur œil", insiste le député, un brun inspiré en cette semaine pascale.

Je ne saluerai pas le geste de Bernard Arnault

Si de nombreuses personnalités saluent le geste de solidarité de Bernard Arnault, le propriétaire de LVMH, François Ruffin ne se laisse pas attendrir et estime que "le beau geste demain, sera de ne plus avoir de filiales dans les paradis fiscaux, de cesser de faire produire là où sont les plus faibles coûts de production, cesser de jouer avec la mondialisation comme si c'était un supermarché...". En attendant, le député "ne salue pas le geste de Bernard Arnault". "Qu'il commence déjà, comme d'autres, à ne pas chercher tous les moyens d’exonération fiscale et la France se portera mieux", insiste-t-il, craignant que cette crise du coronavirus devienne "un hôpitalothon". "On n'est pas là pour faire l'aumône, il y a un truc qui s'appelle l'impôt qui permet de rétablir un peu d'égalité". "L'hôpital public se serait mieux porté en France si les LVMH, Amazon avaient payé leurs impôts sur la TVA, sur les sociétés...", estime le député.

Le groupe de la France insoumise devra se prononcer sur le projet de loi de finance rectificatif, aujourd'hui à l'Assemblée nationale. "Nous allons voter au moins une abstention sinon contre le PLFR", annonce François Ruffin. La raison ? "Il y a 20 milliards d'euros dont on ne sait pas où ils vont aller", s'inquiète l'élu. "On ne peux pas continuer à donner des dizaines de milliards d'euros sans savoir où ça va", estime le député.

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