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Agriculture : face au diktat de l’Europe, l’exemple de De Gaulle et de la chaise vide en 1965

Alors que l’agriculture française souffre aujourd’hui de la concurrence internationale, nos gouvernants doivent réapprendre à dire non à une dangereuse marchandisation uniforme de tous les biens et services.

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Le monde souffre aujourd’hui de l’idéologie de la marchandise. Une idée s’est emparée des esprits, selon laquelle, au fond, tous les biens et services pouvaient être traités de la même façon. Il n’y aurait qu’une seule sorte de marchandise, livrée au même type de mécanisme de marché et de réglementation. Or, la santé ou l’éducation, ce n’est pas la même chose que la pomme de terre, la viande ou les produits cosmétiques. Et les produits agricoles ne sont pas exactement comme les autres. Ils mêlent des impératifs de goût, de façon de vivre, de culture, de civilisation, d’identité… Il y a aussi une question de santé et de sécurité alimentaire, qui est devenue une obsession.

Si on ajoute à cela le fait que le monde agricole a un rôle essentiel dans la façon dont se façonne le paysage et s’entretient la nature, on voit bien qu’on ne peut pas traiter ce problème comme n’importe quel autre problème ! Mais ça ne fait rien, on applique sans limite et sans discernement les lois de la concurrence, et c’est tout le problème destructeur auquel nous sommes confrontés aujourd’hui.

Le problème européen est justement celui de la concurrence. On avait fait l’Europe sur la Politique Agricole Commune (PAC), qui a d’ailleurs très bien marché puisqu’elle a permis pendant des décennies de gérer le déclin de la population agricole, d’augmenter la productivité et de moderniser les exploitations. Mais elle était fondée précisément sur le fait que l’agriculture était un domaine particulier ! Il y avait la préférence communautaire, les prix garantis, les quotas… Tout était régulé. On essayait d’être une région du monde qui préserve sa façon de vivre et fait la promotion de ses produits. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé : cette agriculture a été exportatrice, compétitive, parfois peut-être trop intensive.

Au milieu des années 1980, l’Europe a complètement changé avec le marché unique, et on a tout jeté à la rivière pour ne plus parler que de concurrence dans tous les domaines, y compris l’agriculture, de façon totalement aveugle. À chaque fois qu’on promet une politique agricole à des agriculteurs, on ment en grande partie car la politique de la concurrence s’y oppose ! Il faut arrêter avec les querelles de religion : protectionnisme, libre-échange… Il faut se protéger quand c’est nécessaire, trouver des régulations spécifiques quand les produits et les enjeux sont spécifiques, etc.

On me dira qu’il faut dans ce cas sortir de l’Europe. Non. Je voudrais rappeler quelque chose d’essentiel qui pourrait servir de guide à nos politiques publiques. En 1965, Charles de Gaulle se trouve confronté à la volonté de nos cinq partenaires européens de l’époque de passer au vote qualifié et de remettre en cause le règlement financier de la PAC. Comme il n’arrive pas à trouver de compromis, il décide de quitter la table des négociations et la France n’a plus siégé pendant six mois au Conseil européen. Au bout de six mois, il faut bien se remettre autour de la table et le compromis du Luxembourg est trouvé. Ce compromis oblige tous les États membres, lorsque l’un d’eux estime que ses intérêts vitaux sont en jeu, à discuter au Conseil jusqu’à ce qu’on trouve une solution satisfaisante. Précisons que ce compromis est, en principe, toujours en vigueur. Il est intéressant de voir comment, en acceptant de dire non et en créant une crise limitée, Charles de Gaulle n’a pas détruit l’Europe ou la PAC, mais les a sauvées.

Dans le contexte actuel, nos gouvernants doivent apprendre de temps en temps à dire non et à créer des crises limitées pour éviter des crises plus graves. Si on ne dit jamais non, nous ne nous en sortirons pas et nous continuerons de raconter des histoires à des gens qui traiteront les hommes politiques de menteurs car il n’y aura pas de solution au bout du compte.

Réécoutez en podcast l’édito d’Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio

 

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