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Patrick Freva : "Les jeunes pharmaciens sont prisonniers des fonds spéculatifs"

Par Mathieu D'Hondt

Patrick Freva, pharmacien dans le 15e arrondissement de Paris et fondateur de l'ADIP (Association de défense de l’indépendance des pharmacies) était ce lundi l'invité de Dimitri Pavlenko dans le Grand Matin Sud Radio.

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Ce n'est plus un secret, les pharmacies vont mal en France, leurs revenus sont en baisse constante et chaque jour un pharmacien est obligé de mettre la clé sous la porte. Celles qui résistent sont de plus en plus souvent approchées par des fonds spéculatifs, un phénomène qui inquiète la profession. Notre invité Patrick Freva, pharmacien dans le 15e arrondissement de Paris et fondateur de l'ADIP (Association de défense de l’indépendance des pharmacies), nous en dit plus.

Bonjour Patrick Freva, il me semblait que seul un pharmacien diplômé avait le droit de posséder une pharmacie, alors comment ces fonds spéculatifs peuvent-ils en avoir ?

Actuellement, les fonds spéculatifs viennent donner l’apport que le jeune pharmacien n’a plus les moyens d'avoir pour acheter sa pharmacie. Moi, quand j’ai commencé je n’avais rien, j’ai commencé avec les économies de mon épouse et j’ai pu, en 22 ans, rembourser ma pharmacie. Aujourd’hui, le jeune pharmacien qui sort de la fac n’en a plus les moyens. On dit "fonds spéculatif" parce qu’ils font de la spéculation, ils ont de l’argent à invertir, c’est tout à fait légitime, je n’ai rien contre. Ce qui me préoccupe moi, c’est qu’aujourd’hui il y a d’autres moyens d’apporter un apport aux jeunes pharmaciens. Ça peut être par exemple des pharmaciens qui vont aider des jeunes à s’installer. Les fonds spéculatifs apportent un apport mais comme ils ont de l’argent à investir,  ils vont miser très gros.

Pourquoi ces jeunes pharmaciens ne se tournent pas vers les banques ?

Parce que la banque n’apporte pas tout. Elle demande un apport qui souvent est conséquent. Comme ces jeunes n’ont pas d’apport, qu’est-ce qui leur reste ? Il leur reste à aller voir ceux qui ont de l’argent, du capital à placer. Ces fonds vont miser sur ce pharmacien qui lui est au début et ne connaît pas trop le milieu financier donc ils vont croire ce discours. Ils vont se lancer dans cette opération mais le problème, c’est que ce fond spéculatif ne sera remboursé qu’après le remboursement de la banque.

En quoi ces fonds spéculatifs sont une menace pour la pharmacie française ?

C’est une menace parce que le pharmacien est prisonnier. Il va se rendre compte, au fil des années, qu’il ne pourra jamais rembourser à mon avis, parce qu’il doit d’abord rembourser la banque. Avec les fonds spéculatifs, comme ce sont des investissements dangereux, les taux d’intérêts sont très élevés. Quand les banques prêtent aux jeunes pharmaciens, elles le font à 0,7%, les fonds prêtent eux au minimum à 8 %.

Qu’est-ce que vous craignez concrètement ?

J’ai peur que le pharmacien perde son indépendance qui est une valeur, une notion essentielle dans le code de santé publique. Peut-être pas au début, mais quand il va voir les 8 % jouer années après années sur des sommes importantes, qu’est-ce qu’il va faire ? Il faudrait plutôt que ces fonds soient amenés par des pharmaciens et non pas par un milieu financier qui n’a pas la même vision de la santé. Moi, je suis une pharmacie de proximité, je suis très proche de mes patients. Dans le futur, ça va être des pharmacies de très grande taille avec des pharmaciens qui vont quelque part travailler pour ces fonds. Donc, l’approche de la petite mamie qui vient pour parler à son pharmacien car elle n’a que lui, je crains qu'elle ne disparaisse.

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