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13 Novembre : "Je suis le premier en blouse blanche devant le Bataclan, à 30 mètres"

Par Benjamin Jeanjean

Psychologue clinicien, Jean-Pierre Vouche a été le premier arrivé sur les lieux devant le Bataclan le 13 novembre 2015. Invité du Grand Matin Sud Radio, il revient sur cette funeste soirée.

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Alors même que la prise d’otages était encore en cours, ce fameux 13 novembre 2015 au Bataclan, Jean-Pierre Vouche a été le premier professionnel à être dépêché sur place. Psychologue de son état, il était l’invité du Grand Matin Sud Radio ce lundi pour évoquer cette soirée, deux ans après le drame. "Il se trouve que je faisais de la formation pour la préfecture de police, et le quai des Orfèvres m’a appelé pour me dire qu’il y avait une opération importante et qu’il y aurait probablement de la casse. D’autre part, le maire de Gennevilliers (j’y ai monté une équipe locale de gestion des événements majeurs) m’a demandé de partir pour aller au soutien des équipes parisiennes", explique-t-il.

"Il y a d’abord la traversée de Paris avec la voiture, pris en charge par 3 ou 4 personnes de la BRI. Et puis être amené dans une zone où il n’y a pas de pompiers, pas de service santé. Je suis le premier en blouse blanche devant le Bataclan, à 30 mètres. J’arrivais à dominer le sentiment de danger, j’avais l’habitude de ce type d’interventions en zones de guerre (Palestine, Afghanistan). Ensuite, je me suis rapproché de l’APHP et de la protection civile", raconte-t-il.

"2h45 après l’assaut, j’ai vu des gens du Raid qui avaient morflé"

Le psychologue est notamment encore marqué aujourd’hui par certaines scènes qui se sont déroulées sous ses yeux. "J’ai cette image de femmes avec des chemisiers légers. Elles ont froid et sont paniquées, elles se demandent où est leur compagnon. Tout de suite, on s’accroche à vous, on essaie de savoir… J’ai servi quelques fois d’intermédiaires entre les survivants, qui avaient réussi à fuir par différents moyens, et les services de santé qui étaient débordés. Quand vous êtes le seul psy, vous êtes demandé par tout le monde, y compris par les forces de l’ordre. Les services spécialisés sont habitués, mais ça a été l’horreur. Même 2h45 après l’assaut, j’ai vu des gens du Raid qui avaient morflé. C’était très cruel pour eux. Ils avaient à la fois leur mission et des gens qui vous tirent le pantalon en disant "Sortez-moi de là", alors qu’eux sont en train de mener l’assaut. Ce sont des choix difficiles...", déclare-t-il.

Deux ans après les faits, la douleur et la souffrance sont toujours présentes pour les rescapés, même si chaque cas est différent selon Jean-Pierre Vouche. "Tout dépend de l’état préalable des personnes. Des personnes qui avaient une personnalité forte et bien ancrée ont moins de soucis. En revanche, pour des personnes fragilisées ou qui avaient déjà eu des traumatismes, c’est venu réveiller ces traumatismes. Pour ces cas-là, c’est beaucoup plus lent, il y a une réappropriation du chemin de sa vie. Remettre du sens sur l’événement, puisque cette situation catastrophique était impossible à imaginer pour eux. Ils n’étaient pas prêts à ça. Surtout, ils ont eu une confrontation à leur propre mort réelle, ou à la mort d’autrui. (…) Je pense à Éric, ex-comptable, que j’ai en consultation tout à l’heure. Il n’a pas retrouvé de travail depuis ce jour-là, où il était au Stade de France et a été projeté d’une tribune. Aujourd’hui, il ne reprend pas son activité, il a des problèmes de couple... Il y a en plus une nouvelle source de stress et d’angoisse à chaque nouvel attentat à Londres ou ailleurs… Je lui conseille de ne pas rester accroché à l’info, car ça vient raviver sa plaie. Il faut qu’il ait des activités qui lui occupent l’esprit, sinon on revoit des images où l’on est dans l’attente d’un prochain attentat", explique-t-il.

Retrouvez en podcast l’intégralité de l’interview de Jean-Pierre Vouche dans le Grand Matin Sud Radio

 

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