Le discours devant le congrès, c'est une invention macronienne sur le modèle américain du discours sur l'état de l'union. Une sorte de bilan annuel promis par le président de la république et auquel il veut donner une forme solennelle. Sauf qu'après un an de mandat, Emmanuel Macron n'est pas en aussi bonne posture qu'il espérait. Le problème n'est même pas que les résultats se fassent attendre. Personne n'imaginait que le chômage diminuerait par miracle. Un mandat dure cinq ans et c'est au bout de cinq ans qu'on en juge les effets. Ce que les Français sanctionnent dans les sondages, c'est autre chose.
Les Français lui tiennent rigueur de ses dernières maladresses. Ce qu'on appelle des maladresses, ce sont des révélateurs. Victor Hugo disait : "la forme, c'est du fond qui remonte à la surface". Le "pognon de dingue", la leçon de morale à un jeune collégien alors qu'Emmanuel Macron se permet de claquer la bise au pape et se fait photographier à l'Élysée avec un rappeur provocateur et ses danseurs en petite tenue, tout cela nous raconte une vision du monde. Le retard du plan anti-pauvreté ou du plan hôpital, la fin de non recevoir à Jean-Louis Borloo, même si son plan était mauvais, ce sont des choix, ça nous raconte des priorités. Le problème d'Emmanuel Macron aujourd'hui, c’est qu'il voit revenir ce qu'il avait essayé d'évacuer : le politique.
Toute la campagne présidentielle s'est faite sur cette idée d'un effacement de tout conflit, de tout désaccord. Derrière le concept de bienveillance, il y avait cette idée que les gens raisonnables ne peuvent que tomber d'accord sur la bonne politique à mener, la bonne gouvernance. Tous les autres sont des extrémistes, des populistes, des déclinistes. Tout à coup, on redécouvre l'essence même de la politique, le fait que tout cela relève de choix. On peut décider de commencer par un cadeau de 6 milliards aux très riches alors qu'on baisse les APL, ou bien on peut décider d'arbitrer dans un autre sens. Mais Emmanuel Macron est coincé et c'est cela, son problème. Comme tous ses prédécesseurs, il opère dans un cadre contraint, celui de l'acceptation du libre-échange et de la dérégulation financière. La seule variable d'ajustement, ce sont quelques euros d'APL ou de taxe d'habitation. Cette impuissance, il l'habille de son verbe.
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