La France est loin d'être la championne du monde des jours fériés. Avec 11 jours à l'échelle nationale, elle se situe dans la moyenne européenne. Mais bientôt, l'Hexagone risque de revoir sa copie. François Bayrou, dans un souci d’allègement d'une dette qui ne cesse de s'alourdir et qui atteint 115 % du PIB, propose la suppression du Lundi de Pâques et du 8 mai. Symbolique catholique pour l'un et historique pour l'autre, les réactions à ces propositions ont rapidement fait trembler la classe politique, qui crie à la censure. Mais en quoi supprimer des jours fériés permettrait-il d'économiser ?
Des jours en moins pour des milliards en plus ?
Derrière cette idée, une logique comptable. Supprimer deux jours fériés équivaut à deux journées de travail supplémentaires à l’échelle nationale. Selon les calculs de Bercy, chaque jour chômé coûte 1,5 milliard d’euros à l’économie française en production non réalisée. En retirant deux jours fériés, l’État espère donc générer jusqu’à 3 milliards d’euros de croissance supplémentaire par an.
C’est une mécanique simple : plus on travaille, plus on produit. À condition que l’ensemble des secteurs jouent le jeu. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces économies ne passent pas directement par les finances publiques, mais par la relance de l’activité économique, qui gonfle mécaniquement les recettes fiscales (notamment via la TVA, l’impôt sur les sociétés et les cotisations sociales).
Le souhait de François Bayrou est aussi de redonner du poids au travail dans ce mois de mai qu’il qualifie lui-même de "véritable gruyère". À ses yeux, la concentration des jours fériés à cette période transforme les ponts en véritables "viaducs de congés", où l’économie tourne au ralenti et les bureaux se vident. En clair : la France n’économise pas sur ses dépenses, mais tente d’amplifier ses recettes en réduisant les pauses collectives. Une mesure aussi arithmétique que symbolique, qui repose sur une équation : deux jours en moins, quelques milliards en plus.
Le plan Bayrou : travailler plus pour taxer plus
Mais l’exécutif n’a pas l’intention de faire reposer tout l’effort sur les épaules des salariés. Si les Français devront travailler pendant ces deux jours sans compensation salariale — puisqu’il s’agit de jours fériés existants — les entreprises, elles, devront verser une contribution spécifique sur les bénéfices réalisés ces jours-là.
"Ce qu'on va demander aux Français, c’est d'aller travailler, sans être payés, parce qu’ils le sont déjà", a précisé la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet sur TF1. En échange, les entreprises devront s’acquitter d’un prélèvement qui s’apparente à une version revisitée de la journée de solidarité, instaurée en 2004 pour financer la dépendance. Cette fois, la contribution ne sera pas automatiquement fixée à 0,3 % de la masse salariale, mais pourrait varier selon les marges dégagées.
Censure : un air de déjà-vu ?
Du côté des oppositions, la mesure a provoqué un tollé immédiat. Sur X (ex-Twitter), les réactions ont fusé dès les premières minutes. Marine Tondelier (EELV) ironise sur le sens de la suppression du 8 mai, tandis que Mathilde Panot (LFI) dénonce une volonté de lancer une guerre sociale.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, alerte quant à lui sur une attaque contre les racines et l'histoire de la France. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, dénonce des violences sociales et un non-sens total.
La gauche comme la droite dénoncent une mesure symbolique, injuste et inefficace. Plusieurs élus du groupe socialiste et de la NUPES ont appelé à une motion de censure si la suppression de ces jours fériés devait être intégrée au budget 2026.
La majorité tente de désamorcer cette situation, assurant qu’aucune date n’est gravée dans le marbre et que le débat parlementaire permettra d’ouvrir la discussion. Mais dans un climat politique déjà tendu, le plan de François Bayrou pourrait bien de nouveau réveiller une fronde qui a déjà fait tomber son couperet sur le gouvernement de Michel Barnier.