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Handball : ce n’est pas "la fin d’une ère" pour Valentin Porte

Par Mathilde Régis

Tout juste de retour de Pologne, l’ailier ou arrière de l'équipe de France de Handball, Valentin Porte, était l'invité de Judith Soula pour le Grand Entretien de Sud Radio Sports.

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Judith Soula : D’habitude on vous accueille avec une médaille autour du cou. Cette fois-ci, l'équipe de France, tenante du titre, a chuté en quart de finale face à la Norvège. Comment s'est passé votre retour de l'Euro ?Valentin Porte : Très calme par rapport à un retour médaillé où c'est la grande fête. Maintenant, il faut aussi accepter de perdre, c'est la loi du sport. On finit 5ème. Évidemment, il y a eu beaucoup moins de monde -pour ne pas dire personne - à l'aéroport. On est revenu incognito et on est vite retourné chez nous se reposer et se ressourcer.Comment avez-vous vécu cette élimination prématurée ?C'est toujours compliqué quand on est sportif de haut niveau. Encore plus quand on est l'équipe de France de Handball multimédaillée. On est toujours habitué à la plus haute marche du podium. Mais il faut aussi savoir perdre et c'est bien que ça se renouvelle un peu. Ça va nous permettre de nous remettre au travail, de voir qu'on a encore du boulot. Mais les compétitions arrivent vite, on va pouvoir se racheter.Quels ont été les mots de Claude Onesta dans le vestiaire après cette élimination ?Il y avait un peu de frustration parce que je pense qu'on avait quand même l'équipe pour aller au moins en demi-finale. Claude trouvait que c'était quand même positif parce qu'à la mi-décembre, on s'est retrouvé pour le premier stage avec pas mal de blessés, on ne savait pas trop où aller. C'était aussi de la préparation aux JO pour le staff et pour les joueurs. Ce n'est pas la fin d'une ère, c'est un renouvellement. On est en train de construire la nouvelle équipe de France.Depuis 2005, ce n'est que la troisième fois en quatorze compétitions que la France n'attend pas les demi-finales. Vous étiez champion en titre de tout avant de démarrer cet Euro, est-ce qu'on en attend pas trop de cette équipe de France ?Si, mais c'est un peu de notre faute. On habitue tout le monde à force d’être champion pratiquement tous les ans. Maintenant quand on perd, les gens se disent que ce n'est pas normal. Il faut aussi que les gens comprennent qu'au handball il ne suffit pas de mettre la tenue, d'aller sur le terrain et de battre tout le monde de 10 buts. Pour faire ça, il faut travailler énormément et ce n'est pas facile. On se donne les moyens de le faire. Il faut que le grand public comprenne qu'arriver en finale et gagner ces titres, c'est un truc énorme et pas normal. On n’a pas une équipe mille fois plus forte que les autres. On est juste meilleur, on joue bien ensemble et c'est pour ça qu'on gagne.Ce n'est donc pas la fin d'un cycle ?Non, bien au contraire, ce qui fait la force de l'équipe de France, ce ne sont pas des cycles. À chaque fois, de nouveaux joueurs arrivent, c'est un renouvellement. Là, il y avait beaucoup de blessés aussi.C'est justement l'absence de sept joueurs-cadres, l’une des explications de cet échec à l'Euro ?Quand on gagnait de 10 buts les matchs, on ne disait pas qu'il y avait des absents. On ne va pas se cacher derrière cette excuse pour dire que c'est pour ça qu'on a perdu. Certes, il y avait des joueurs absents, et ça n'a pas aidé à la rotation, mais ce n'est pas pour ça qu'on n’a pas été champion. Il faut remettre les choses dans le contexte. Quand on aura tout le monde et que les jeunes auront un peu plus d'expériences, on sera de nouveau compétitif et on gagnera d'autres titres, c'est sur.Dans cet Euro, vous avez fait un premier faux pas face à la Pologne, puis de très belles prestations face à la Serbie, la Biélorussie et la Croatie. Pourquoi cette rechute face à la Norvège, une équipe qui ne vous avait jamais battue ?Il y a un peu de fatigue. Ce match contre la Norvège arrivait aussi après trois jours de coupure, peut être qu'on avait perdu un peu le rythme. Et surtout, on est tombé sur une équipe de Norvège qui était en pleine confiance. Ils venaient de battre la Pologne chez elle et la Croatie. Quand on joue une équipe en confiance, même quand on est l'équipe de France, ce n'est pas facile de s'en sortir. Sur le papier, on était meilleur, maintenant ils ont mieux joué que nous. Je ne pense pas qu'on ait fait un très mauvais match, mais en tout cas on n’a pas joué notre meilleur handball. On n’a pas su trouver les ressources pour s'en sortir, c'est dommage. Il faut surtout féliciter la Norvège qui a proposé un très beau jeu. Le journal "L'équipe" a titré le lendemain "sans solutions", c'était ça votre sentiment sur le parquet ?Ce sentiment contre la Norvège était un peu bizarre. Je n'ai pas reconnu l'équipe de France comme j'ai pu la voir dans les moments compliqués. Je me rappelle en finale au Qatar, quand ça devient compliqué, je vois les cadres qui sont là et je sens une sérénité qui émane de cette équipe. Là, contre la Norvège, quand on était dans le dur, j'ai l'impression qu'on a mal réagi, qu'on a voulu tout de suite précipiter les choses pour revenir et qu'on s'est brûlé les ailes. Ça montre que parfois, même les meilleurs font les mauvais choix. On fait avec, on va apprendre de nos erreurs et rebondir.Le groupe était rajeuni, vous avez senti que le groupe a manqué d'expérience ?Non parce que l'ossature de l'équipe était très expérimentée. Les sept majeurs avaient pas mal de kilomètres au compteur. Et oui, parce qu’on de dit que derrière, ce ne sont que des petits jeunes qui ont moins de 5 ou 10 sélections. C'est peut être un poids en plus sur les épaules des titulaires et des cadres qui se disent qu'il ne faut pas se louper parce que derrière c'est pile ou face. Si on fait rentrer le jeune, on ne va peut-être pas l'aider. Mais ce n'est pas l'excuse numéro un, l'ossature comprenait les meilleurs joueurs.Parmi les bleues depuis 2013, tu as le sentiment d'être devenu un des piliers de cette équipe de France ?C'était un peu le fil rouge de cet euro. Les journalistes me considéraient comme cadre, les sélectionneurs disaient que je devenais un cadre. Je ne me considérais pas comme cadre, je disais avoir des responsabilités. On ne peut pas me mettre sur le même piédestal qu'un Karabatic, qu'un Narcisse ou qu'un Omeyer. Ils ont une centaine de sélections, 6 ou 7 titres de plus que moi. Même si ça fait un moment que je suis là, je suis encore un jeune, j'ai encore beaucoup à apprendre. J'ai des responsabilités et j'en aurai encore, mais je ne me considère pas comme un cadre.À titre personnel, comment as-tu vécu l'Euro ?Comme l'équipe, j'ai très bien commencé la compétition avec de beaux matchs. Après, on a pris la foudre polonaise sur la tête et moi le premier. Je l'ai peut-être moins bien vécu que les autres parce que c'est la première fois que cela m'arrivait d'être aussi mauvais sur un match. Je n'avais pas l'habitude et j'ai mis un peu de temps à m'en remettre. Ensuite, j'ai retrouvé un peu mon jeu et du plaisir sur le terrain... jusqu'à la Norvège ! Je ne suis pas déçu de moi, même si ça n'a pas été le match de l'année. J'ai fait ce que j'ai pu, j'ai été courageux comme a dit le sélectionneur. Dans l'ensemble, l'euro m'a déçu dans la performance, mais ça reste quand même satisfaisant pour moi. On a remarqué la prise position de Didier Dinart au sein du staff, Claude Onesta passe doucement la main, comment vous l'avez vécu ? On voit bien que Claude commence à prendre de plus en plus de recul et de distance. Il est plus dans du management et de l'observation qu'acteur du projet. C'était un souhait pour lui de donner les rennes à Didier pour voir comment il allait s'en tirer sur cette compétition et pour plus tard. Didier est là depuis un moment, il a fait ses preuves aussi. Donc ça s'est très bien passé. Après ça reste leur problème, nous on est côté joueur, eux coté staff.Claude Onesta a aussi souhaité que les anciens s'impliquent davantage, ça se traduisait comment ?Je n'ai pas trop vu de différence. Didier s'entourait de Nicolas Karabatic ou de Daniel Narcisse pour l'épauler dans la préparation des matchs. Lors des vidéos, c'était aussi un échange avec ces joueurs-là. Mais ça a toujours été comme ça. Vous allez vous nourrir de cet échec ? Oui bien sûr, c'est ce qu'il faut. On se construit aussi dans la défaite. Tout le monde a pris un petit coup sur la tête, tout le monde va réfléchir et apprendre de ses erreurs. On reviendra encore plus motivé pour la prochaine compétition. Le fait d'avoir été qualifié pour les JO avant l'euro n'a pas joué sur la motivation du groupe ? Il y a eu une réunion des cadres pour mettre les choses au clair et être sur de la motivation des joueurs. Tout le monde était motivé pour aller le plus loin possible dans l'euro. Mais peut-être que mon ressenti sur le match de la Norvège, celui d'une équipe moins sereine, était peut-être dû à ça. Comme on était sur d'être qualifié pour les JO on avait peut être moins de pression et le résultat importait peu. Peut-être qu'inconsciemment en fin de compétition, quand on a vu le match nous échapper, on s'est peut-être moins fait mal pour aller le chercher. On reste quand même très déçu de ce résultat. Dans sept mois les JO, vous n'étiez pas à Londres en 2012, ces jeux représentent quoi pour vous ? Mon objectif était de les vivre au moins une fois. J'ai vécu les championnats d'Europe et du Monde. Alors les JO, je voudrais voir ce que c'est de l'intérieur. De l'extérieur quand on y pense ça doit être super. Je demande aux gars de m'expliquer un peu comment ça se passe, à chaque fois je me dis que ça doit être génial. Tout le monde en parle avec des étoiles dans les yeux, c'est vraiment la famille France, tous ensemble. On a l'impression que la médaille olympique est le titre suprême, pour vous aussi ? Oui parce que dans notre sport, on a la chance d'avoir une compétition tous les ans. On sait que si on rate l'Euro là, l'année prochaine il y aura les mondiaux. Pour les JO, c'est tous les quatre ans. Quelque chose de rare est toujours convoité donc évidemment c'est le titre suprême. En plus, on est deux fois champions olympiques et jamais deux sans trois. Ce serait cool de gagner cette médiale qui est tant appréciée et qui fait rêver. Vous n'avez pas peur que l'échec de l'Euro remette en cause le fonctionnement de l'équipe de France ? Je ne pense pas. Le staff aussi a appris et va améliorer certaines choses pour qu'au JO ce soit parfait. On va tous travailler ensemble. En 2012, c'était pareil, ils s'étaient rétamés à l'euro, mais derrière ils étaient champions olympiques. On va s'inspirer de ça et faire une très grosse préparation cet été. C'est aussi ça, la différence. Avant les JO on peut se préparer pendant un mois et demi et arriver prêt. Vous avez d'ailleurs déclaré : "si on est champion olympique on dira que cet euro nous a aidés"...Évidemment, on veut tous se servir de ça pour être champions, mais ça va être très compliqué aussi, il ne faut pas croire que comme ça s'est passé comme ça en 2012 ce sera la même chose. Les autres équipes ont beaucoup de qualités et progressent aussi donc il va falloir se battre pour ramener quelque chose. Un mot sur l'Allemagne qui a gagné l'Euro ? Je n'ai pas regardé le match. Je n'aime pas ça, les voir joyeux alors que l'année dernière c'était nous. C'est peut-être pas bien, mais je ne l'ai pas regardé. C'est un prétendant sérieux pour les JO ? Cela m'a étonné de voir l'Allemagne à ce niveau-là. Ils étaient dans une poule très compliquée, ils démarrent le second tour avec seulement deux points et ils arrivent à s'en sortir pour aller chercher la demi-finale. Ce match est fou, ils gagnent d'un point après prolongations alors que les allemands avaient eu deux blessés majeurs la veille. Je ne pensais vraiment pas qu'ils allé gagner comme ça contre l'Espagne, j'ai un peu halluciné quand j'ai vu le résultat. Je pense que cette équipe, avec beaucoup de jeunes joueurs, est en train de se renouveler et peut être très dangereuse pendant quelques années. Vous n'avez pas peur que les autres équipes, en voyant la Norvège vous battre, se disent que vous êtes battable ? L'équipe de France fera toujours peur. Je pense que la Norvège le dira, avant le match contre nous, ils n'étaient pas très sereins non plus. On fait toujours peur, car on a une belle équipe et si on joue notre jeu on est capable de battre tout le monde de 10 buts. Maintenant, il faut savoir que les équipes qui nous jouaient n'étaient pas encore qualifiées pour les JO et avaient donc les dents encore plus longues. Mais peut être que oui, ils vont se dire qu'on est redevenu humain et au final, c'est la qu'on peut rattaquer.

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