Une marque française historique... en mal de rebond
Créée en 1971, Pimkie a longtemps incarné la mode accessible pour les jeunes femmes. Pourtant, ces dernières années, la marque a connu un net déclin, marqué par deux plans sociaux et une procédure de sauvegarde.
Pour tenter de sortir la tête de l'eau, la famille Mulliez -propriétaire entre autres des enseignes Auchan, Decathlon, Kiabi- cède donc Pimkie à l'entrepreneur Salih Halassi en 2023. Une cession conditionnée à la préservation de "l'activité et l'emploi d'une enseigne autonomisée et responsabilisée". L'objectif était pour le moins clair : relancer la marque, tout en conservant son ancrage français.
Pimkie sous pavillon chinois : un virage stratégique majeur
Et pourtant... Mardi 16 septembre, lors d'une conférence de presse organisée par Shein, Salih Halassi a dévoilé les contours d'un partenariat inédit et basé sur l'intégration de Pimkie au programme "Shein Xcelerator". En clair : les collections de l'enseigne française de prêt-à-porter féminin seront désormais produites par les fournisseurs de Shein et distribuées dans 160 pays. "Notre objectif est de réaliser 100 millions d'euros de chiffre d'affaires avec Shein d'ici à 2028, soit un tiers de notre activité", précise le PDG de Pimkie.
L'alliance est inédite, puisqu'elle fait de Pimkie la première marque française de prêt-à-porter à s'allier à Shein. Pour la plateforme chinoise d'ultra fast-fashion, déjà forte de 145 millions de clients actifs par mois en Europe, ce partenariat marque une nouvelle étape dans sa stratégie d'expansion mondiale.
Bronca immédiate dans le secteur du textile et de l'habillement
"Signal inacceptable", "déshonneur", "honte"... l'annonce de cette collaboration a immédiatement provoqué un tollé auprès des fédérations professionnelles du secteur. Invité au micro des Vraies Voix, Yann Rivoallan (président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin) n'a pas mâché ses mots :
"Ce que vient de faire le propriétaire de Pimkie est une honte à plusieurs niveaux. ll a touché 130 millions d'euros de la part de l'Association familiale Mulliez (AFM) pour relancer la marque. Il a fermé près de 100 boutiques, a licencié 500 personnes... et aujourd'hui, sous prétexte de mauvais résultats en ligne -6% de chiffre d'affaires-, il se tourne vers Shein pour viser les 30%".
Par ailleurs, le président de la Fédération Française de Prêt à Porter Féminin reproche également au PDG de Pimkie son "manque de moralité" et son "incompétence" :
"Depuis toutes ces années, il y a un refus [de la part de Salih Halassi] d'investir dans le digital, de se former et d'aller sur l'intelligence artificielle. La seule chose qu'il prend chez Shein, c'est le chèque et les nouvelles destructions d'emplois qu'il va apporter. Travailler avec Shein, c'est travailler avec leurs usines et donc se débarrasser de tous ses fournisseurs [actuels]".
Pimkie va vendre ses collections sur la plateforme chinoise Shein
— Sud Radio (@SudRadio) September 17, 2025
Yann Rivoallan (Fédération Française de Prêt à Porter Féminin) : "Ce que vient de faire le propriétaire de Pimkie est une honte ! En sus de son manque de moralité, il y a une vraie incompétence" #LesVraiesVoix pic.twitter.com/RzQl9L5sW2Plainte, pressions politiques et appel à l'Europe
Ancienne détentrice de l'enseigne Pimkie, l'AFM envisage à présent de porter plainte et de saisir la justice. En cause : le non-respect des engagements associés à l'octroi des 130 millions d'euros versés pour sauver la marque. "Se vendre à Shein et aux Chinois, c'est une honte", martèle Yann Rivoallan.
En parallèle, les fédérations françaises du textile et de l'habillement, en accord avec leurs homologues européennes, ont adressé une lettre à la Commission européenne. L'objectif : réclamer des "actions d'urgence" contre la fast-fashion ultra-éphémère, mise en avant notamment par Shein, Temu, AliExpress ou encore TikTok Shop.
À l'échelle de la France, une loi visant à limiter l'impact environnemental de la mode jetable et à encadrer les pratiques des plateformes asiatiques a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat en 2024 et en 2025. Dernières étapes maintenant pour la loi anti-fast-fashion : sa promulgation et son encadrement au niveau européen.
Shein dans le viseur des autorités européennes
Déjà pointée du doigt pour ses conditions de travail indignes, son modèle logistique ultra-accéléré et son impact environnemental douteux, Shein n'échappe pas aux sanctions européennes. Récemment, la plateforme a été condamnée à "40 millions d'euros d'amende en France pour pratiques commerciales trompeuses", mais aussi à "150 millions d'euros d'amende de la part de l'Union européenne pour utilisation illégale de données personnelles", rappelle le président de la Fédération Française de Prêt à Porter Féminin.
De plus, la nomination de Christophe Castaner comme conseiller RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) de Shein n'a pas rassuré les professionnels du secteur... bien au contraire ! Yann Rivoallan ironise :
"Bravo à Christophe Castaner pour l'accompagnement donné ! Depuis qu'il a signé avec eux, c'est un succès complet ! Il y a à peu près le même niveau de moralité entre le propriétaire de Pimkie et [l'ancien ministre de l'Intérieur]".
Appels au boycott et fracture avec les consommateurs
Après les professionnels du secteur, c'est au tour des consommateurs d'exprimer leur mécontentement face à l'annonce de ce partenariat. En effet, nombre d'entre eux appellent déjà au boycott de la marque sur les réseaux sociaux et dénoncent à la fois une trahison des valeurs, mais aussi un soutien indirect à des pratiques sociales et environnementales controversées.
En choisissant de s'associer au géant Shein, Pimkie espère retrouver de la visibilité, un souffle international et des parts de marché perdues... mais à quel prix ? Accueillie par la profession du textile et de l'habillement comme une trahison, l'annonce de cette collaboration relance le débat sur l'avenir du prêt-à-porter européen, l'éthique dans la mode et la dépendance croissante face à des géants du e-commerce mondial. Pour l'heure, le divorce entre Pimkie, ses consommateurs et son propriétaire d'origine... semble déjà bien consommé !