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Pénuries, normes, précarité... comment expliquer l'explosion de la crise du logement

Par Justine Houllé

ANALYSE SUD RADIO - La crise du logement en France atteint un niveau inédit. En 2024, 350 000 personnes étaient sans domicile en France, selon la Fondation du Logement pour les Défavorisés. Un chiffre en hausse de 145% depuis 2012, auquel s'ajoute celui du mal-logement, qui concerne aujourd'hui 4,2 millions de personnes en France. Face à l’urgence, les tensions se cristallisent sur une offre locative qui s’effondre, des propriétaires découragés et des locataires piégés dans des logements indignes... ou trop chers.

alexsl de Getty Images Signature

Une offre locative en chute libre

"Jamais l'offre locative n'a été aussi basse", alerte Alexandre Jardin dans "La parole aux Français" au micro de Sud Radio. En cause : l'empilement de réglementations et de contraintes fiscales qui freinent les mises en location. Parmi elle, le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est devenu un point de blocage majeur. Indicatif "partout en Europe", le DPE est pourtant "contraignant" en France et exclue de fait "1,3 million de logements du marché", dénonce Jean Ferrando (président de Propriétaires 47). "Aujourd'hui, on manipule le DPE. Il doit redevenir un simple indicateur", martèle-t-il.

En parallèle, la hausse de la taxe foncière, les squats non expulsables ou encore des normes d'urbanisme jugées excessives démotivent les bailleurs privés. "On rajoute des couches sur des couches. Les propriétaires se démobilisent", déplore le président de Propriétaires 47 au micro d'Alexandre Jardin.

"En hiver, on dépense près de 1 000 euros de fioul par mois. Ma fille a failli mourir d'une pneumonie... mais personne ne bouge"

Cédric, auditeur et père de famille, vit cette crise de l'intérieur et ne peut s'empêcher de lâcher un cri du coeur :

"Je suis locataire d'une petite maison vigneronne. L'isolation est catastrophique : le garage en bas n'est pas isolé, l'appartement au-dessus non plus, et nous, on est coincés entre les deux. Dans le fort de l'hiver, on dépense près de 1 000 euros de fioul par mois. Le DPE est passé en F et passera en G l'année prochaine. Un conciliateur est venu, mais mon propriétaire refuse de faire les travaux parce qu'il estime que la maison "a du cachet". Ce n'était pas prévu comme ça, il devait nous faire les travaux. Ça fait 7 ans que je me bats. J'ai des enfants en bas âge, ma fille a fait une pneumonie et a failli en mourir l'année dernière... mais ça ne dérange personne. J'ai beau appeler l'agence immobilière, personne ne bouge..."

Un témoignage qui met en lumière le fossé entre les objectifs écologiques des politiques publiques et la réalité vécue par les locataires, souvent recours face à l'inaction de certains propriétaires.

Des rénovations impossibles à rentabiliser ?

Désormais obligatoires, les rénovations énergétiques apparaissent souvent inaccessibles financièrement. Selon l'INSEE, elles coûtent en moyenne 13 600 euros, pour un gain annuel de 150 euros. "Il faudrait 91 ans pour rentabiliser l'investissement. C'est d'une absurdité extraordinaire", accuse Jean Ferrando.

De son côté, Caroline Aldebert (cofondatrice de l'association "10 millions de copropriétaires"), regrette que le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) soit devenu "une machine infernale depuis le Grenelle de l'environnement" : "Au début, ce n'était qu'un indicateur pour savoir si le logement avait ou non de l'amiante, pour voir comment était chauffé l'immeuble. Aujourd'hui, le DPE ne prend même pas en compte la typologie du bien". Puis la cofondatrice de l'association "10 millions de copropriétaires" poursuit avec un appel sans filtre : "Laissez les gens vivre et choisir leur bien ! S'ils ont envie d'avoir une maison troglodytique, c'est leur choix ! S'ils veulent vivre dans un appartement contemporain de l'an 2 000, c'est leur choix aussi !".

Un accès à la propriété de plus en plus inaccessible

Accentuée depuis 2022, la crise du logement pèse aussi sur l'accession à la propriété. En 20 ans, les prix de l'immobilier hors inflation ont grimpé de 88%, selon l'étude "Classes moyennes : les nouvelles clés d'accès à la propriété" de l'Institut Montaigne. Résultat : pour acquérir le même bien, un acheteur doit aujourd'hui s'endetter sur une durée de 25 ans à la fin de 2024, contre 15 ans en 2000.

Autre signe d'inégalités croissantes : 24% des ménages détiennent aujourd'hui 68% des logements appartenant à des particuliers. En parallèle, les demandes de logements sociaux explosent, avec seulement 1 demande sur 10 satisfaite en 2023. De même, le nombre de demandes d'HLM n'a jamais été aussi élevée, selon le deuxième Panorama de l'Agence nationale du contrôle du logement social.

Vers des solutions plus souples ?

Face à cette impasse qui ne cesse de grandir, certains plaident pour une libéralisation encadrées du marché... à l'image du président de l'association Propriétaires 47. En effet, Jean Ferrando propose d'instaurer l'utilisation de baux libres, à l'image du Canada ou de la Scandinavie : "Ce n'est pas une idée révolutionnaire. On loue un logement, c'est tant par mois. On laisse un mois de garantie et si au bout d'un mois ce n'est pas payé, on se quitte et point à la ligne. De cette manière, on remettrait sur le marché tout un tas de personnes qui gagnent de l’argent mais sont des travailleurs pauvres, mais aussi des milliers de logements parce que les propriétaires n’auront plus peur".

Alors que la France traverse une crise du logement profonde, la réponse semble tiraillée entre exigences écologiques, contraintes économiques et nécessité de reloger des millions de personnes. À défaut de solutions rapides, c’est tout un pan de la société qui risque de sombrer dans une précarité durable.

Pour revoir l'intégralité de l'entretien, rendez-vous ici.

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