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Mohed Altrad: "L'Islam ne peut-être véhiculé par ces gens"

Par Justin Boche

Le président du MHR était l'invité exceptionnel de Judith Soula pour un entretien confidence dans Sud Radio Sport. Ses origines, sa vision de la société française, des attentats qui ont touché Paris, ses solutions, il n'a évité aucune question. Interview confession en intégralité.

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En tant que Français d'origine syrienne née à Racca, la capitale de Daech, quel est votre regard sur les récents événements ? Est-ce que vous vous êtes senti blessé et attaqué ? Mohem Altrad : Oui. Je suis Bédouin d'origine syrienne. Lorsque l'on examine ce qui se passe, c'est effrayant, pénible et triste. Lorsque l'on examine un peu plus et que l'on regarde pourquoi c'est arrivé, on s'aperçoit que ce sont des actes isolés de quelques personnes embrigadées et utilisées pour tuer par Daesh. Ils veulent attirer l'attention du monde entier. Mais vous vous êtes senti attaqué vous-même ? Oui parce que je suis d'origine musulmane même si je ne crois pas à cet islam mené de façon violente. Surtout par des gens qui s'appellent djihadistes alors que le mot djihad signifie le travail sur soi-même pour s'approcher de Dieu, c’est à dire la paix. Ces gens ne savent pas lire l'arabe ni comprendre le Coran. On ne voit donc pas comment le message de l'Islam peut-être véhiculé par ces gens. Aujourd'hui, comment expliquer que cette jeunesse se radicalise ? Je pense que cette jeunesse se radicalise par le chômage, la pauvreté, l'exclusion, mais aussi par les aspects culturels. Quand on est isolé dans une zone, quand on a grandi dans une logique de haine et que l’on déteste la France parce que l'on dit que la France est raciste, xénophobe et qu'elle ne fait rien. C'est un racisme à l'envers.Quels sont ces messages exactement ? Le message c'est que la France n'est pas raciste ou xénophobe et que la France fait beaucoup.François Hollande vous a confié la présidence de l'Agence France Entrepreneur, expliquez-nous votre mission ?Il existe en France depuis 30 ans une agence pour la création d'entreprises. Le président de la République a constaté qu'il existe 1500 zones ou résident 11 millions de Français. Et lorsque l'on fait un zoom sur ces zones on s'aperçoit que ce sont des zones avec des immigrés de 1re 2e ou 3e génération. Il y a en moyenne 40% de chômage et deux fois plus de création d'entreprises, mais aussi deux fois plus de disparitions. Autrement dit, on régresse. L'idée du président de la République est d'essayer d'avoir trois objectifs : informer, former et financer. Le financement existe déjà. L'état Français dépense chaque année 2,3 milliards pour la création d'entreprises. Le président a jugé qu'un chef d'entreprise comme moi pourrait contribuer et sensibiliser les administrations qui ont à faire avec cet aspect-là pour faire quelque chose pour cette population. Le président veut doubler l'efficacité. Quand on dit que la France est raciste, ce n'est pas vrai. Si vous prenez les trois générations de toute la population, il y a 30 millions d'immigrés. Qui est le pays d'Europe qui fait ça ? Ce n'est pas le profil d'une nation xénophobe. Quand on dit 40% de chômage, ça veut aussi dire 40% de gens qu'il faut aider financièrement. Est-ce que c'est par l'intermédiaire d'une telle agence que l'on peut casser les ghettos aujourd'hui ? L'entreprise est un sacré lieu d'intégration. L'idée c'est d'accélérer la création d'entreprises et de pérenniser celles qui sont créées. Si on trouve quelqu'un qui veut créer un salon de coiffure. Il va pouvoir le faire et va commencer à travailler en embauchant peut-être un compagnon pour l'aider. Mais très vite, il va peut-être oublier de déclarer son salarié, de payer l'URSAF et il va recevoir des papiers de mise en demeure et va s'arrêter en disant que c'est trop compliqué. L'idée de cette agence c'est qu'elle informe, qu'elle forme, et qu’elle finance et accompagne. Cette agence n'est pas complètement autonome. Elle va s'appuyer sur l'administration. Mais les résultats arriveront à terme, ce ne sera pas immédiat. Pensez-vous que la non-intégration des ghettos et un des principaux problèmes en France ? C'est un élément, mais il ne faut pas exagérer. Il n'y a pas la guerre civile ne France. Il n'y a pas un danger énorme. Les événements récents militent pour dire ça, mais ce n'est pas un phénomène majeur. Il y a des 1500 zones ou ça craint, mais sur toute la France c'est limité. La France n'a pas opté pour le communautarisme. Ce n’est pas notre philosophie. On refuse ce genre de chose. On a opté pour une nation homogène. Mais aujourd'hui, cette homogénéité est imparfaite et on travaille pour que cette imperfection disparaisse petit à petit. Pourquoi pas viser une société modèle avec un chômage moins important et moins de pauvreté ? La France a connu cette période de gloire où on parlait de croissance, de grandeur, de liberté, égalité, fraternité. Ce que je regrette c'est que ce discours politique a un peu disparu. Avec les événements tragiques, il y a un retour de l'unité nationale. On avait perdu cette unité ? Je pense qu'on l'avait très largement perdu. On est dans un pays ou l'on s'aperçoit que l'on n'est plus grand alors qu'on l’était dans les siècles derniers. Aujourd'hui, on est un pays de seconde zone. Mais je pense que l'on a la capacité pour redorer notre blason. Ça passe par le fait que l'on doit croire en nos atouts. Nous avons 66 millions d'habitants, des ressources considérables, une culture considérable, une histoire fantastique que peu de pays sur terre ont. Il faudra capitaliser là dessus.La France s'est perdue économiquement ?Elle s'est surtout perdue mentalement. Parce que comme une équipe de Rugby, quand on rentre sur le terrain on n'a pas vraiment confiance, on joue petit bras et on n'est pas sur de gagner. Ça commence mal. Économiquement, on n'a pas perdu de place, mais on a des problèmes de gestion. Pourquoi ? Parce que la croissance est là, mais qu'on a un trop grand déficit. On vit au dessus de nos moyens parce que l'on n'investit pas notre argent de façon juste. Mais je fais confiance à mon pays. Mais il faudra que l'on change notre état d'esprit. La France vous a permis de réaliser votre parcours. D'un lycée de Racca, au prix de meilleur entrepreneur mondial 2015, un prix que la France n'avait jamais reçu. Vous avez un parcours hors du commun. Est-ce que vous pensez qu'un destin comme le vôtre est encore possible aujourd'hui en France ? Je pense que mon parcours est singulier, particulier et miraculeux parce qu'il y a eu plein d'endroits où mon histoire aurait pu s'arrêter. Mais il n'y a pas de raison pour que l'on n'y arrive pas. Il nous manque aujourd'hui les moyens. Il faudra juste trouver une juste répartition de ces moyens. On est capable d'imaginer une nation qui a envie de sortir de ces difficultés et que l'on fasse bloque avec du courage. Avec l'objectif qui est noble de vouloir être grand, mais sans écraser les autres. Il faut plutôt tirer les autres vers le haut. En faisant appel à vous, le président veut aussi faire appel à votre réussite ? On s'est vu une heure dans son bureau et on a parlé de l'immigration, de l'intégration, de beaucoup d'aspects. J'ai trouvé quelqu'un de chaleureux et attentif. Ma mission est technique. Je ne fais pas de politique, mais j'en fais malgré tout dans mon entreprise, ne serait-ce qu'en gérant nos relations avec l'administration d'une centaine de pays. Quel regard portez-vous sur cette crise des migrants ?Dans ma vie ma mère est morte très tôt. Mon père ne m'a jamais reconnu. J'ai été moi aussi ballotté à un certain moment. J'aurai pu être frère musulman, salafiste ou de Daech. J’ai eu de la chance de ne pas connaître ça, mais aussi d'avoir un bon état d'esprit fait de bonnes intentions. J'ai beaucoup de chance d'être dans un pays comme la France qui m'a donné ma chance. Aujourd'hui, je suis un soldat français qui milite pour cette nation et dont toute l'énergie est absorbée par cette nation. La Syrie n'a jamais eu de lien avec la France. Elle était plutôt attirée vers la Russie. Comment expliquez-vous que les migrants viennent ici vers la France ? Ils viennent ici parce qu'ils ne peuvent pas rester là-bas. Je l'avais dit au président. Si on cherche à accueillir 30000 habitants, c'est très bien. Si c’est un geste humanitaire, c'est parfait. Il faut faire quelque chose pour l'humanité. C'est ce que j'ai dit au président Obama. Parce que l'humanité a commencé dans cette région. Aujourd'hui, éliminer Daech ce n'est pas un gros sujet pour l'occident même si ça l'est pour la France parce que la France ne peut pas le faire tout seul. Il faudra que l'occident s'unisse et fasse une coalition. Il faudra commencer par éjecter Daech et aider cette population à retrouver sa terre .

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