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Manon Quérouil-Bruneel : "On va souvent dans les banlieues quand ça pète et que ça va mal"

Par Benjamin Jeanjean

Journaliste et co-auteure du livre "La part du ghetto" avec Malek Dehoune, Manon Quérouil-Bruneel était l’invitée du Grand Matin Sud Radio ce mardi.

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"J’ai été accueillie au début avec surprise, je pense que pour eux l’exercice était un peu bizarre. Ils ne voyaient pas en quoi leur vie était suffisamment intéressante pour qu’on ait envie de la raconter". Dans le cadre de l’écriture de son livre La part du ghetto, centrée sur des parcours de vie d’habitants d’un quartier de la région parisienne, Manon Quérouil-Bruneel s’est heurtée comme beaucoup de journalistes à certaines barrières, avant de parvenir à établir un lien de confiance indispensable. "L’idée était de faire un travail d’écoute, de recueillir des confidences de gens qui se confiaient rarement. On va souvent dans les banlieues quand ça pète et que ça va mal. Ici, l’idée était d’y aller quand tout allait à peu près bien pour qu’on ait le temps de raconter un quotidien qui n’est quand même pas facile et d’instaurer un lien de confiance sur la durée avec les gens", ajoute-t-elle au micro de Sud Radio.

"Je suis venue avec uniquement un stylo"

"Je suis venue avec uniquement un stylo, que j’ai d’ailleurs mis du temps à sortir pour que le lien de confiance soit bien instauré. Au début, il y avait de la surprise, forcément un peu de méfiance aussi parce qu’on ne se connaît pas et que les gens n’ont pas forcément envie de raconter leur vie à des inconnus. Après, il y a eu de l’intérêt, de l’envie de se raconter et de réfléchir à un parcours sur lequel ils se sont rarement retournés. Ce sont des vies assez rudes, qu’on fait à l’instinct, et l’idée qu’on nous pose des questions pour savoir comment on est arrivés là, c’était un exercice nouveau pour eux, qui a fini par leur plaire avec le temps", raconte-t-elle.

La journaliste a constaté dans le cadre de cet ouvrage un décalage générationnel dans ce quartier. "Il y a eu un glissement entre cette première génération arrivée essentiellement pour travailler dans les années 1970-1980, avec une volonté d’intégration à tout prix, et la génération des 30-40 qui ont vu que cette intégration avait échoué pour plein de raisons. Aujourd’hui, les jeunes de 20 ans prennent la place qu’ils peuvent s’octroyer en faisant des petits arrangements ou trafics pour subsister", explique-t-elle avant de prendre notamment l’exemple de Karima*, jeune fille ayant recours à la prostitution.

"Il y a l’émergence d’une prostitution de banlieue"

"Karima s’inscrit dans une veine que j’avais déjà pu constater il y a un an ou deux lors d’un reportage pour Marie Claire : l’émergence d’une prostitution de banlieue chez des jeunes filles pour qui ça représente un ascenseur social. C’est de l’argent vite gagné. Karima est une exception car elle travaille sans proxénète. La plupart des jeunes filles de cité que j’ai rencontré sont obligées de s’offrir une protection parce qu’on tombe parfois sur des clients violents ou dangereux. Ces proxénètes prennent la moitié des bénéfices de la jeune fille, on est donc sur une prostitution d’abattage avec 10 ou 15 passes par jour pour arriver à gagner de l’argent", indique-t-elle.

* Le prénom a été changé

Réécoutez en podcast toute l’interview de Manon Quérouil-Bruneel dans le Grand Matin Sud Radio

 

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