Alors que des millions d’élèves s’apprêtent à reprendre le chemin de l’école dans quelques jours, les récits récoltés au sujet de la laïcité par Frédéric Beghin sont alarmistes. L’auteur, qui est allé rencontrer beaucoup de professeurs sur le terrain, a pu constater que la laïcité n’était pas vraiment respectée dans les écoles de la République et qu’il était difficile pour les enseignants de l’aborder. « Elle n’est pas respectée partout, en effet. C’est un casse-tête pour les profs qui veulent la faire respecter tous les jours. Un casse-tête ne veut pas dire que l’on en sort pas par le haut, mais que quotidiennement des difficultés se posent et que si l’on est pas soi-même dans l’Education nationale, on voit mal à quel point cela peut être une préoccupation quotidienne. »
La religion semble donc de nouveau être rentrée dans la sphère de l'école publique. « On a cru qu’elle en était sortie parce qu’en 2004, on a pris une loi interdisant le port de signes religieux ostensibles, les grosses croix, les kippas, les foulards islamiques. À l’époque, on a cru que ce problème qui se pose depuis la fin des années 80 était réglé, explique Frédéric Beghin. Ce que j’ai constaté sur le terrain, c’est que ce n’est pas le cas. »
Des problèmes de religion qui persistent même entre les enseignants eux-mêmes et entre les professeurs et leurs chefs d’établissement. « Tout le monde n’est pas d’accord sur ce que l’on appelle la laÏcité, comment elle doit être respectée à l’école et comment réagir face à des élèves qui contestent la laïcité », rapporte l’auteur. Les professeurs ne savent d’ailleurs pas toujours comment réagir, explique-t-il. « Certains sont très remontés sur la question, au risque de se faire traiter de “laïcards”, d’autres sont partisans d’une laïcité plus accommodante. D’autres enfin préfèrent ne pas s’emparer de cette question. »
« Souvent, la laïcité est vue par les élèves comme quelque chose de contraignant »
La laïcité est donc un sujet extrêmement sensible dans certains établissements, notamment à cause de l’islam. « C’est la deuxième religion de France, elle n’a pas comme la religion catholique une longue histoire de cohabitation avec la République, explique Frédéric Beghin. C’est une religion avec des prescriptions alimentaires ou vestimentaires, qui dans d’autres religions n’existent plus. Peu de parents catholiques demandent que leurs enfants mangent du poisson le vendredi dans les cantines. » Que faudrait-il pour que la laïcité soit appliquée comme il se doit dans les écoles publiques ? Faudrait-il que les enseignants soient mieux formés ? « Les professeurs eux-mêmes se sont aperçus, notamment au moment des attentats de 2015, qu’ils étaient démunis et notamment par manque de formation », rapporte l’auteur. Des formations qui ne seraient absolument pas pratiques et adaptées aux cas réels rencontrés sur le terrain. « Un effort de formation, depuis 2015, est en cours dans les écoles qui forment les futurs enseignants », souligne-t-il toutefois.
Un phénomène de contestation de la laïcité qui, selon Frédéric Beghin, se déroulerait partout dans nos territoires et toucherait des élèves de plus en plus jeunes. « Ce que l’on constatait autrefois dans les lycées, on le trouve aujourd’hui dans les collèges voir dans les écoles primaires, notamment les questions de cantine qui se posent dès le cours préparatoire. Il y a dix ou quinze ans, cela n’arrivait jamais », rapporte l’auteur.
Y-a-t’il des solutions pour lutter contre ce refus de la laïcité dans les écoles ? « Il y a ce que l’on appelle l’enseignement moral et civique, il y a tout un tas d’expériences avec des animateurs socio-culturels pour faire vivre ces questions de laïcité, expose Frédéric Beghin. Souvent, la laïcité est vue par les élèves comme quelque chose de contraignant, l’objet de toutes les initiatives est de changer la perception de la laïcité auprès des élèves. »