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Hyper Casher, trois ans après : "Il est temps que la France se réveille"

Par Benjamin Jeanjean

Reportage Sud Radio. Trois ans jour pour jour après l’attaque de l’Hyper Casher de la porte de Vincennes, les plus fidèles clients reviennent, mais le souvenir et l’angoisse sont toujours là.

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L'attaque à caractère antisémite avait suscité une immense émotion, trois jours seulement après un premier attentat sanglant dans les locaux de la rédaction de Charlie Hebdo. Il y a trois ans jour pour jour, le 9 janvier 2015, le terroriste Amedy Coulibaly pénétrait dans l'Hyper Cacher, une épicerie juive de la porte de Vincennes, près de Paris, et tuait quatre personnes avant de prendre en otage plusieurs clients. Abattu par le Raid, le jihadiste affilié à l'État Islamique, qui avait déjà tué la veille la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge (Hauts-de-Seine), continue pourtant de hanter les souvenirs des clients qui reviennent avec parfois la boule au ventre.

"D'autres ne veulent plus venir, ils ont peur"

"Ça fait toujours bizarre de revenir, on a toujours cette petite angoisse dès qu’on voit une voiture avec des gens un peu suspects dedans. On se fait tout de suite des films, c’est un peu stressant", déclare Johanna au micro de Sud Radio. Face au climat ambiant en France, cette mère de famille a choisi d’inscrire ses enfants dans une école juive. "J'étais dans une école laïque, on était deux Juifs sur 800 élèves. J’habitais en banlieue dans le 94, et j’ai souvent entendu "t'as de l’argent, t'es juive" ou des références à ce qu’il se passait en Israël ou en Palestine. Pour éviter ça, quoi qu’il arrive on vit en communauté", explique-t-elle. Derrière elle, Elie tire son cabas. C'est l'un des plus anciens clients de l'Hyper Cacher, un "résistant" comme il dit. "D'autres ne veulent plus venir, ils ont peur. Des amis à moi. Je connais une dame qui est partie à Boston", assure-t-il. Jonathan, lui, veut rester en France malgré la peur. "Ça dépend des quartiers qu’on fréquente, ça dépend des jours. Si c'est Shabbat ou si on porte la kippa, c’est compliqué. On peut avoir à se montrer méfiant", reconnaît-il.

Sur la boucherie cacher du trottoir d’à côté, Jacob, le gérant, se souvient de ce jour comme si c'était hier. "On a entendu des coups de feu, j’ai donc fait rentrer tous les gens qui étaient à l’extérieur et on s’est barricadés à l’intérieur. Il y avait les CRS autour, qui ne nous ont pas laissé mettre le nez dehors. J’ai baissé le rideau et on est restés à l’intérieur, en descendant au sous-sol et en essayant de montrer du courage pour les autres", raconte-t-il.

"Khaled Kelkal, 1995, ça remonte quand même ! Qu’est-ce qu’ils ont fait depuis ?"

La situation est-elle plus rassurante aujourd’hui pour la communauté juive de France ? Alors que le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a promis cette semaine "un grand plan de lutte contre la radicalisation", Mazel, une cliente de l'Hyper Cacher, trouve que ce genre de réactions arrivent un peu tard. "Il serait temps que la France se réveille. Il faudrait ouvrir les yeux, ne pas avoir peur de ce qu’il se passe dans nos banlieues, éduquer nos jeunes pour qu’ils puissent se distinguer par rapport à des parents ou des aînés qui leur indiquent tel ou tel choix. Tous ces jeunes, il faut s’en occuper. Si leurs parents ne sont pas à la hauteur, la France peut faire quelque chose pour eux. Khaled Kelkal, 1995, ça remonte quand même (Ndlr : figure emblématique de la vague d’attentats islamistes qui a frappé la France en 1995) ! Qu’est-ce qu’ils ont fait depuis tout ce temps ? C’étaient les mêmes, des êtres en mal de vivre. Il fallait prendre le problème avant...", regrette-t-elle.

Un reportage de Victoria Koussa

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