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Éric Delbecque : "La «task force» n'est pas forcément l'idée du siècle"

Par Mathieu D'Hondt

Éric Delbecque, directeur du département intelligence stratégique de SIFARIS, était ce mardi l'invité de Dimitri Pavlenko dans le grand matin Sud Radio.

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L’Élysée installe demain sa "task force" - ou force opérationnelle - destinée à lutter contre le terrorisme. S'agit-il d'un nouveau gadget ou du chaînon manquant de la sécurité en France ? On en parle avec Éric Delbecque, directeur du département intelligence stratégique de SIFARIS (société de conseil informatique) et auteur du "Bluff sécuritaire", ouvrage paru aux éditions du cerf.

Bonjour Éric Delbecque, cette Task Force, qu’est-ce que c’est, qui va la composer et que fera-t-elle ?

C’est toute la question. On va le découvrir dans les jours et les semaines qui viennent. Sur le papier, on a le sentiment que ça va être un espace de coopération et de coordination entre les différentes forces impliquées dans la lutte anti-terroriste, avec la sécurité et le renseignement. Ça pourrait être éventuellement un conseil de sécurité nationale comme pour les Américains. L’idée traîne chez nous depuis plus de 20 ans, ce n’est pas totalement nouveau.

Le renseignement en France est un véritable archipel, il y a 6 services de premier cercle, 4 de second cercle, c’est-à-dire les territoriaux, sans compter ceux dédiés au terrorisme, est-ce qu'on ne va pas rajouter une couche supplémentaire dans un mille-feuilles déjà bien épais ?

C’est à craindre, c’est finalement le grand danger. De surcroît, la coordination du renseignement ne marche pas si mal que ça. On entend beaucoup en ce moment que les services ne coopèrent pas entre eux sur le plan national et à l’échelon européen, c’est très largement faux. Ça a pu exister dans le passé mais maintenant tous ces gens là se parlent et échangent des renseignements. On peut toujours faire mieux bien évidemment mais ce n’est pas forcément le point d’achoppement. De plus, une unité de coordination qui dépendrait directement du président de la République l’exposerait en cas d’échec donc il faut prendre tout ça avec beaucoup de précautions. Ce n’est pas forcément l’idée du siècle.

Macron parle d’une équipe de 50 à 100 personnes, capables de réagir dans la demie-heure en cas d’attentats. On a l’impression que cela va être une cellule de riposte. ? Or, ce qu’attendent les Français c’est d’être rassurés.

Le problème est stratégique, il n’est pas tactique. Notre pays réagit très bien sous l’effet de la crise. Quand il y a un attentat, tout le monde fait ce qu’il a à faire, globalement ça se passe très bien. Donc l’idée d’une cinquantaine de personnes qui vont permettre une riposte, ce n’est pas très concret pour le moment. On ne voit pas bien comment ça peut se passer. D’ailleurs 50 personnes pour une équipe rapprochée, c’est déjà beaucoup. Tout ça reste donc un peu flou, un peu confus.

De votre point de vue, de quoi la France a besoin aujourd’hui ? Que nous manque-t-il dans notre dispositif de lutte anti-terroriste ?

Il manque justement des éléments de long terme. On n’a pas besoin de nouvelles lois, ni de cellules supplémentaires, on a besoin d’une stratégie. Cette force opérationnelle pourrait être cohérente s’il s’agissait d’un vrai conseil de sécurité nationale impliquant tout le monde, y compris la société civile, pour définir des choses que l’on pourrait faire sur plusieurs années, même en dehors du domaine de la sécurité.

En République Tchèque, on est en train de proposer la libéralisation du commerce des armes pour permettre aux citoyens de s’armer. Il y a un gros débat aujourd’hui en Europe sur le fait de savoir si cela pourrait être moyen efficace de lutte anti-terroriste. Ee France, ce débat est extrêmement verrouillé.

Je ne suis pas pas partisan du fait d’armer les citoyens car avoir une arme nécessite une culture opérationnelle et une culture du droit pénal pour ne pas faire n’importe quoi.

Le citoyen n’a pas sa place dans le dispositif national de sécurité ?

Si bien sûr, il a sa place. Il y a des actions qui permettent d’accroître la vigilance et peuvent aussi permettre d'impliquer le citoyen dans la défense et la sécurité nationale, par exemple la réserve opérationnelle, on en a une qui fonctionne très bien en gendarmerie. On pourrait éventuellement imaginer que ces gens puissent porter une arme de service en permanence mais c’est très localisé. Après on a aussi le fait de faire prendre aux gens des cours de secourisme. Il y a plein d’idées pour former les gens à l’anticipation de l’acte.

>> Retrouvez l'intégralité du podcast de l'interview :

 

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